mercredi 14 mai 2025

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, le 11 novembre 2010. Gioacchino Rossini : Otello. John Osborn, Anna Caterina Antonacci, Dmitry Korchak, José Manuel Zapata. Evelino Pidò, direction

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Après Lyon, c’est au tour de Paris de redécouvrir le rare Otello rossinien.
Créée à Naples en 1816, cette œuvre lyrique, dix-neuvième opéra de Gioacchino Rossini, prend de singulières libertés avec l’original shakespearien, mais la vitalité de cette musique et sa puissance émotionnelle provoquent une ivresse qui fait rendre les armes. Remarquablement construit, sans temps mort, cet opéra, difficile à monter, exige un trio de ténors de première force, respectivement pour Otello, Rodrigo, rival d’Otello, et l’infâme Iago, chacun bénéficiant d’une partie techniquement virtuose. Un monde d’hommes au milieu duquel se débat la fragile Desdémone, à qui Rossini a confié les pages les plus tendres de l’œuvre. La partition permet notamment de spectaculaires duos entre les ténors, véritables affrontements vocaux, chacun rivalisant de virtuosité et d’impact sonore.

Ebouriffant Otello

La tonalité générale de l’œuvre, brillante et jubilatoire, surprend pour un drame aussi sombre, et donne à l’ensemble une couleur étrange particulièrement forte, moins du côté du drame humain que de celui de l’excitation de la vengeance.
Le troisième acte est mémorable d’efficacité et de tension dramatique, notamment la tempête qui se glisse sous les voix, préfigurant déjà celle que Verdi écrira pour le tableau final de Rigoletto.
Evelino Pidò, à la tête des forces de l’Opéra de Lyon, a su réunir pour cette occasion une distribution remarquable de cohésion et d’efficacité, tant dramatique que vocale.
Dans le rôle-titre, créé par Giovanni Nozzari, véritable baritenore, John Osborn se tire avec les honneurs de cette écriture impossible, demandant un aigu conquérant autant qu’un médium large et un grave puissant, extrêmement difficile à réaliser pour un ténor moderne. L’américain fait valoir sa voix puissante et un médium plus riche qu’on pouvait s’y attendre, ainsi qu’un aigu percutant et une virtuosité appréciable.
Son rival honni, Rodrigo, créé par l’immense Giovanni David, trouve en Dmitry Korchak un interprète de choix, doté d’un timbre enchanteur, d’une agilité superbement réalisée, d’un aigu sûr et d’une superbe musicalité. Il semble parfois vouloir en faire un peu trop dans la démonstration technique, au risque de forcer sa voix et d’outrepasser ses limites, mais sait se montrer toujours électrisant.
Achevant ce trio, José Manuel Zapata caractérise avec efficacité le fourbe Iago, lui-même autant au fait des règles rossiniennes que ses deux partenaires, et tout aussi formidable d’arrogance vocale.
Touchante Desdémone, Anna Caterina Antonacci semble très à l’aise dans ce rôle écrit sur mesure pour Isabella Colbran, à mi-chemin entre le mezzo et le soprano, alliant au grave de la première les aigus et les piani de la seconde.
Bien que n’ayant plus interprété le répertoire du cygne de Pesaro depuis de nombreuses années, la chanteuse italienne retrouve ses marques, et affiche une belle agilité, un peu alourdie parfois mais néanmoins remarquable, une superbe ligne de chant et de magnifiques piani, notamment dans l’air du Saule. De plus, elle joue avec brio de ses talents de tragédienne, soulignant une phase ou un mot, et enveloppe son incarnation d’un voile sombre, comme la fatalité pesant dès le début de l’œuvre sur la jeune femme.
Elmiro convainquant de Marco Vinco, tonnant avec autorité, et à l’émission plus saine que par le passé.
Mention particulière pour l’Emilia surprenante de Josè Maria Lo Monaco, déployant sa grande voix veloutée, et donnant un poids inhabituel à ce personnage habituellement sacrifié. Beau Gondolier de Tansel Akzeybek, dans une superbe parenthèse poétique au milieu du drame final.
Excellente prestation du Chœur de l’Opéra de Lyon, sonore et énergique. A la tête de cette entreprise, Evelino Pidò évite toute surcharge, ménageant de beaux contrastes et un rubato qu’on ne lui connaissait pas, tirant de l’orchestre de superbes sonorités, avec notamment un splendide solo de harpe introduisant l’air du Saule de Desdémone.
Une soirée tourbillonnante, saluée par un public en liesse, montrant, si besoin était, la force de la musique de Rossini et l’excellence de cet Otello trop méconnu, qui mériterait à juste titre d’être davantage joué.

Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 11 novembre 2010. Gioacchino Rossini : Otello. Livret de Francesco Maria Berio. Avec Otello : John Osborn ; Desdemona : Anna Caterina Antonacci ; Rodrigo : Dmitry Korchak ; Iago : José Manuel Zapata ; Elmiro : Marco Vinco ; Emilia : Josè Maria Lo Monaco ; Le Doge / Le Gondolier : Tansel Akzeybek ; Lucio : Fabrice Constans. Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon. Direction musicale : Evelino Pidò.

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