mercredi 23 avril 2025

Paris. Trianon, le 10 décembre 2009. Jacques Offenbach : La Princesse de Trébizonde. Laetitia Ayrès, David Faggionato, Marion Lebègue, … Laurent Goossaert, direction. Rémi Préchac, mise en scène

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Douce folie, tourbillon rapide

« Une douce folie qui tourne, tourne, en rapide tourbillon, comme un joli papillon »… Composée en 1869, entre La Périchole et Les Brigands, La Princesse de Trébizonde, bien peu jouée – comme bien d’autres œuvres de Jacques Offenbach restées dans l’ombre –, se révèle être rien moins qu’un petit joyau de finesse et d’élégance, drôle et tendre tout à la fois. Bien que certains passages rappellent d’autres pièces du compositeur, cet opéra-bouffe garde une identité à lui, porté par une histoire fantaisiste, enrubannée, piquante en diable.
L’histoire est celle d’une statue de cire – qu’on ne verra jamais en tant que telle – au nez cassé que remplace de sa personne l’une des filles du patron de la troupe de saltimbanques qui la possède, et dont le petit prince Raphaël, le fils du prince Casimir, tombe éperdument amoureux. Après un billet de loterie – clin d’œil du hasard et du petit prince – et, dans le même tourbillon, un château, gagnés par la famille, la prétendue statue et ses propriétaires s’installent au sein du palais du prince Casimir, son fils pouvant – avec la malice qu’on imagine – avoir auprès de lui et sous la main l’objet de son adoration.

Les Tréteaux Lyriques sont bien inspirés d’avoir redonné la vie à ce bijou. Composée d’amateurs – au sens le plus noble du terme – et entourée par des professionnels, cette troupe consacre son énergie à la musique du « petit Mozart des Champs-Elysées », dont elle maîtrise les codes et le style à la perfection. La mise en scène de Rémi Préchac, plus illustrative que réellement interprétative (mais en faut-il davantage dans cette œuvre ?) fait montre de forts beaux moyens et d’un vrai luxe dans la vision : pas de décorum de pacotille, mais des décors réels, peints, charpentés, avec suffisamment de dérision pour rester dans la fantaisie. La direction d’acteur est réglée comme un mécanisme d’horlogerie, avec une précision de papier à musique, chaque mouvement, chaque entrée et sortie étant rigoureusement millimétrés, chose devenue rare jusque sur les grandes scènes. Les costumes, totalement fantasques et délirants, sont un régal pour les yeux (jusqu’aux chapeaux, improbables et fabuleux) et leurs couleurs fortes et acidulées nous les font admirer avec gourmandise.
Toutes les scènes sont ainsi parfaitement agencées. Moment inoubliable de la chasse, où un immense lapin blanc (n’étant pas sans rappeler celui de Chantal Goya) se voit poursuivi par une armée de chasseurs hilarants, avec lesquels Offenbach parodie génialement le chœur célébrissime du Freischütz de Weber.

Musicalement, chacun donne tout, et de tout son cœur, le plus important n’étant pas le détail mais la cohésion d’ensemble. D’ailleurs, tout le monde s’amuse follement et prend un plaisir infini à travers le texte savoureux, les mélodies raffinées, les rythmes endiablés dont regorge la partition.
Remarquons le beau timbre léger, coquin, la technique remarquable et la projection vocale étonnante de la Zanetta de Laetitia Ayrès, la chaleur veloutée et l’élégance de la voix sombre de la Régina de Marion Labègue, la gouaille et l’impact vocal du Cabriolo de Jean-Philippe Monnatte, et le romantisme tendre du petit prince Raphaël de David Faggionato.
Petit faible personnel pour les cinq pages, d’une drôlerie et d’une maladresse à croquer. Mais tous seraient à citer, tant ils impriment une marque forte à chacun de leur personnage.
Précis et nuancé, l’orchestre Ad Lib prend part à cette aventure avec finesse et un plaisir évident, mené tambour battant par Laurent Goossaert, passionné et amoureux de cette musique, qui accompagne les destinées de cette troupe depuis plusieurs années déjà.
Un spectacle pétillant comme le plus fin des champagnes, bondissant comme du vif argent, qui met du baume au cœur et de la joie à l’âme, et dont les sonorités tourbillonnantes nous accompagnent encore longtemps après la chute du rideau.

Paris. Trianon, 10 décembre 2009. Jacques Offenbach : La Princesse de Trébizonde. Livret de Charles Nuitter et Etienne Tréfeu. Avec Zanetta : Laetitia Ayrès ; Régina : Marion Labègue ; Paola : Julietta Hua ; Raphaël : David Faggionato ; Le Prince Casimir : Jean-Philippe Alosi ; Cabriolo : Jean-Philippe Monnatte ; Trémolini : Rémy Buclin ; Sparadrap : Hervé Dupont ; Le directeur de loterie : Frédéric Thiriez ; Les pages : Christelle Bonnadoux, Jeanne Henry, Géraldine Meilhan, Caroline de Rougé, Caroline Sader. Chœur des Tréteaux Lyriques. Chef de chœur : Jean Bridier. Orchestre Ad Lib. Direction musicale : Laurent Goossaert. Mise en scène : Rémi Préchac. Assistante metteur en scène : Caroline Darnay ; Costumes : conçus par Véronique Boisel et réalisés avec l’aide du Lycée Professionnel de Nogent la Source Val de Beauté ; Décors : Eric Destenay, création et réalisation. Pianiste : Claire Béchu.

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