mercredi 23 avril 2025

Pelléas et Mélisande: le chant des aveugles (Olivier Py, 2008)Philippe Béziat (1 dvd les films Pelléas)

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Olivier Py, en mettant en scène l’opéra de Debussy, met en lumière le chant des aveugles… C’est un spectacle qui semble toujours jaillir de l’ombre et ne parvient à la lumière que pour s’y brûler. Pourtant, voici un document original qui permet de faire le point sur Pelléas et Mélisande: oeuvre « suspecte » où texte et psyché sont déconnectés, où l’action devient folie, où la réalité concrète ne cesse de se déliter… Comment filmer un opéra? A cette question toujours délicate, Philippe Béziat apporte sa réponse. Entretiens avec les chanteurs français et russes (exceptée la Mélisande de Sophie Marin-Degor: absence frustrante), le chef et surtout le metteur en scène, Olivier Py; larges extraits des scènes capitales dont évidemment celle de la grotte avec la romance si érotique et brûlante du jeune Pelléas, tendre enivré, amoureux de sa belle-soeur…
La première partie est captivante et les 40 dernières minutes diluent à notre avis l’intensité et la tension du docu qui se veut film musical. Opéra d’atmosphère, où l’énigme est la clé et le sujet central, où chacun est muré dans une solitude aveugle qui le rend étranger à lui-même et aux autres, l’ouvrage gagne pourtant à l’image, une force suggestive étonnante; d’autant que comme l’explique Olivier Py dans le film, Pelléas et Mélisande pose clairement la question de la langue: ce français monotone et sans accent (comme chez Racine), à mille lieues de l’opéra italien. En témoins neufs, abordant pour la première fois à Moscou, la partition de Debussy, les chanteurs russes qui sont au seuil des mots, découvrent avec une candeur jubilatoire, toutes les nuances du texte, étincelles linguistiques qui séduisent et captivent autant, au final, que les milles facettes de la musique impressionniste tissée à l’orchestre. Les interprètes russes à
Moscou sont confrontés à la force poétique du verbe, incantatoire, prophétique, et de la musique magicienne, envoûtante; ils ont du mal surtout pour Dimitri Stepanovitch, la basse qui interprète
Arkel, à saisir l’essence même de l’opéra français debussyte: son
absence d’accent et de surintention.
Il s’agit aussi de dévoiler ce qui fait sens: l’absence de vérité claire, franche, directe, évidente. Tout est ici dans l’ambivalence, le trouble, la profondeur insondable d’un livret essentiellement énigmatique.
Tout ici signifie dans l’élocution claire et détaché d’un français symbolique. D’autant comme l’explique Olivier Py et François Le Roux, qu’il n’y a pas de psychologie: chaque individu n’analyse rien de ce qui lui arrive, n’évolue pas au fond du début à la fin (est ce qu’il se passe quelque chose sur la scène en définitive?), sauf peut-être Golaud qui vit sa relation avec Mélisande d’une façon plus incarnée, plus violente, plus sanguine et… meurtrière. Mais c’est lui qui à la fin, reste seul, accablé par l’accomplissement du drame (ce que montre les dernières images).
On reste fascinés par la plasticité du couple francophone, interprète de Pelléas et Mélisande, les excellents Jean-Sébastien Bou et Sophie Marin-Degor : ils sont beaux, ils sont jeunes et leur chant brûle de ce désir qui épaissit encore les ténèbres environnants. Dans la lumière froide et léthale, dans ce travail particulier sur les ombres portées, leurs figures paraissent plus énigmatiques; et la machinerie monumentale et toujours mouvante du dispositif scénique ajoute à la petitesse impuissante des personnages.
Les riches compléments au dvd ajoutent à la qualité de l’édition. Dvd événement. Parution: mardi 8 mars 2011

En plus du film de 1h48 mn, le dvd propose des suppléments inédits dont :
Un documentaire de 52mn sur la création de l’opéra de Claude

Debussy à Caracas en 1989 par Manuel Rosenthal.
Un entretien avec François Le Roux interprète de Pelléas et
de Golaud (20 min).
Un livret réunissant des textes autour de l’oeuvre au moment
de sa création (dont une introduction de Debussy lui-même sur son
oeuvre, texte capital écrit à la demande de Georges Ricou, secrétaire
général de l’Opéra-Comique

Claude Debussy: Pelléas et Mélisande, 1902
Direction musicale: Marc Minkowski
Mise en scène et lumières: Olivier Py
Pelléas: Jean-Sébastien Bou
Mélisande: Sophie Marin-Degor
Golaud: François Le Roux
Arkel: Dmitri Stepanovitch
Geneviève: Natalia Vladimirskaia
Choeur et Orchestre Théâtre musical Stanislavski &
Némirovitch-Dantchenko

Durée du film : 1h48. Langues :
Français, Russe – Sous-titres : Français, Anglais. Prochaine critique
complète dans le mag dvd de classiquenews.com. Les Films Pelléas
publient le dvd Pelléas et Mélisande, le chant des aveugles

Plus d’informations et bande-annonce sur :
www.pelleas.fr/pelleasetmelisande

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