Le chant des aveugles
Film documentaire de Philippe Béziat
découvre dans un forêt une « petite fille en pleurs », Mélisande. Golaud
l’épouse et la ramène au royaume d’Allemonde, gouverné par son aïeul
Arkel, roi presque aveugle. Là, Mélisande rencontre Pelléas, jeune
demi-frère de Golaud, qui s’apprête à partir pour visiter un ami
mourant. Retenu par la maladie de son propre père, Pelléas ne tarde pas
à succomber au charme mystérieux de Mélisande, qui lui avoue enfin
qu’elle l’aime aussi. Surpris alors par Golaud, qui les guettait, les
jeunes amants sont victimes de sa jalousie. Golaud transperce Pelléas
de son épée. Il blesse aussi Mélisande qui mourra quelques temps plus
tard, après avoir donné le jour à leur fille.
lumière l’approche allusive des interprètes (chanteurs, metteur en
scène, chef…) sur Pelléas (1902) dont le retentissement est égal au Tristan wagnérien (1865) avec lequel il partage cette brume irrésolue et permanente de la forme qui fait parler la psyché.
La production est celle présentée en juin 2007 à Moscou, sous la
direction de Marc Minkowski. Film sur l’envers, miroir révélant
l’indicible et l’au-delà des apparences, le documentaire est aussi un
essai visuel dont les images ne trahissent pas la part onirique,
mystérieuse, fascinante du chef-d’oeuvre lyrique.
« Sur
l’écran, le monde scintillant du théâtre devient une caverne
allégorique du monde, peuplée de Claude Debussy, Maurice Maeterlinck,
Olivier Py… et aussi de jeunes chanteurs russes, de techniciens, de
figurants, toute une fraternité d’êtres mystérieux comme tout le monde« , indique le réalisateur.
La caméra suit le travail des interprètes (chef, musiciens, chanteurs)… Elle offre la parole au metteur en scène Olivier Py, spécialiste des immersions radicales en particulier dans les oeuvres troubles et ambivalentes du répertoire (on pense à son regard sur Tristan und Isolde de Wagner, justement, présenté en février 2005 à Genève, bientôt à Nantes et Angers, du 10 mai au 2 juin 2009). Contradiction: la déclamation et l’articulation des mots sont primordiales dans un texte où le sens dérape, se dérobe, où la réalité s’efface pour l’énigme et le mystère. « Pelléas captive car il s’appuie sur une langue dont la beauté est sa monotonie (pas d’accents toniques comme en italien) », précise Olivier Py.
C’est aussi une production qui est le fruit de la rencontre entre les musiciens russes et les interprètes français: la découverte de Pelléas devient l’objet d’une fascination comme en témoigne la violoniste russe pour laquelle l’opéra de Debussy comme les oeuvres de Monet et de Renoir, est un pur joyau impressionniste. Un chef d’oeuvre absolu dont l’esprit se délecte et dans lequel les sens se perdent. Le film de Philippe Béziat cède toute la place de l’écran à cette épiphanie de l’envoûtement et du mystère.
L’intérêt du film réside dans sa qualité à restituer par l’image et un
montage poétique, la proclamation suggestive du texte: verbe
incantatoire et énigmatique dont le rythme novateur en accord avec la
musique, laisse entrevoir une autre réalité: celle de l’inconscient, du
rêve, de l’imaginaire… de la folie aussi, pour Olivier Py. Voilà pourquoi, Pelléas est décidément un opéra à part dans l’histoire du genre… une oeuvre qui reste suspecte car elle s’écarte de toute logique… car elle fait chanter la musique et le texte contre toute attente et tout a priori.
(France, 2008, 1h48mn). Au cinéma à partir du 9 mars 2009. Avec
Jean-Sébastien Bou (Pelléas), Sophie-Marie Degor (Mélisande), François
Leroux (Golaud), Dmitri Stepanovitch (Arkel)… Choeur et orchestre du
Théâtre Musical Stanislavski & Némirovitch-Dantchenko. Marc
Minkowski, direction. Olivier Py, direction.
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