jeudi 24 avril 2025

Poitiers. Cinéma « Le Castille », le 13 Juin 2011. En direct du Royal Opera House de Londres. Verdi : Macbeth. Simon Keenlyside, Liudmilla Monatyrska… Phyllida Lloyd, mise en scène. Royal Opera House, Antonio Pappano, direction.

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Macbeth en direct de Londres

En ce lundi de Pentecôte, le cinéma « Le Castille » à Poitiers retransmettait en direct du Royal Opera House de Londres l’opéra Macbeth composé et créé au teatro della Pergola de Florence en 1847 par Giuseppe Verdi (1813-1901) sur un livret de Francesco Maria Piave et Andrea Maffei; les deux poètes s’inspirent de la pièce éponyme de William Sakespeare sur les indications de Verdi lui-même qui tenait absolument à voir les scènes les plus fortes sur le plan émotionnel apparaître dans son opéra (l’apparition du spectre de Banco au deuxième acte, celle de la descendance royale de Banco au troisième acte, la scène du somnambulisne de Lady Macbeth au dernier acte…). Et si pour contenter le public français il a dû rajouter l’indispensable ballet pour la création parisienne en 1865, Verdi en a surtout profité pour donner un air supplémentaire à Lady Macbeth : « La luce langue… » au deuxième acte. Pour la reprise de cette production qui utilise la version définitive (qui date de 1874), le Royal Opera House a réuni une distribution exceptionnelle dominée largement par le baryton britanique Simon Keenlyside qui était dans un très grand soir.

Mise en scène sans excès …

La mise en scène reste sobre entrainant le public dans une Ecosse intemporelle. La face fantastique de l’oeuvre est accentuée par l’utilisation judicieuse du ballet notamment, lorsqu’au troisième acte, les sorcière préparent avec délices leur abominable mixture peu avant l’arrivée de Macbeth venu les réinterroger sur son destin. Le décor mobile permet de se déplacer d’un lieu à l’autre sans se perdre dans un dédale de pièces et de couloirs. Pourtant quel dommage que, pour le choeur des exilés au quatrième acte, Macbeth et son épouse, endormis chacun dans un lit soient restés sur scène, ce qui, dans le contexte dramatique de la scène semble presque incongru. En revanche les costumes, sombres, parachèvent bien la volonté de mettre en avant les aspects les plus noirs de Macbeth. Cette production échappe ainsi à la mode de la modernisation à tout crin permettant au public de se plonger sans effort dans l’atmosphère noire, voire sordide, de l’opéra de Verdi qui s’est approprié la pièce de Shakespeare avec brio.

Plateau vocal génial …

Vocalement le plateau réuni par le Royal Opera House pour l’occasion était somptueux. Simon Keenlyside qui chantait le rôle-titre reste magistral de bout en bout tant vocalement, en affrontant avec panache les pics de la partition, que scéniquement… en incarnant parfaitement l’homme tourmenté et dominé par une épouse dévorée d’ambition et sans scrupules. Liudmilla Monatyrska incarne de manière exceptionnelle une Lady Macbeth implacable, et la scène du somnambulisme fait véritablement froid dans le dos tant elle y avoue d’horreurs et d’atrocités multiples; il ne manque rien à cette artiste qui, avec Keensylide, incarne sans aucune faiblesse, le mal dans sa cruauté la plus horrible.
Face à ce couple aussi diabolique et sans pitié, si assoiffé de pouvoir, Raymond Aceto fait un Banco de très belle tenue; malheureusement tout l’aplomb du général victorieux ne l’empêchera pas d’aller vers son destin, mais il le fait crânement et si le parti pris du metteur en scène peut étonner, une sorcière, suit Banco pas à pas, sauvant son fils d’une mort certaine en le cachant des sicaires venus le tuer en même temps que son père. Le jeune ténor Dimitri Pittas est la très belle surprise de la soirée: son Macduff est émouvant et sensible; si dès le finale du deuxième acte, il laisse transparaitre la peur et l’inquiètude qui le tenaillent, c’est au quatrième acte quand il interprète son aria « Figli, ô figli miei … Ah la paterna mano » qu’il laisse exploser la douleur du père et du mari qui a tout perdu mais aussi le remords de n’avoir pas sû protéger les siens du couple diabolique qui règne sur l’Ecosse. Steven Ebel (Malcom), Elisabeth Mesteir (Dama di Lady Macbeth), Lucas Jacobski (medico) complètent très honorablement un plateau dont le niveau est exceptionnel de bout en bout.

… accompagné par un orchestre et un choeur au sommet

Même si Antonio Pappano qui dirige l’orchestre et le choeur du Royal Opera House a parfois tendance à faire jouer ses musicien trop fort, il sait imposer un engagement remarquable permettant au cast de donner son maximum ce qu’il fait avec un plaisir évident. Quant au choeur, la préparation est parfaite en musicalité et diction, ce qui est très appréciable tant cet aspect, pourtant essentiel, est parfois négligé.

C’est donc une très belle soirée à laquelle nous avons assisté en direct de Londres. Ce Macbeth, servi par des artistes géniaux chauffés par un orchestre et un chef au sommet de leur art, a permis au public de découvrir ou de redécouvrir le baryton britanique Simon Keenlyside qui a donné au rôle-titre une image sombre et tourmentée à souhait comme l’avait souhaité Verdi ; On souhaite une prochaine sortie en dvd pour voir ou revoir, sans modération, cette production londonienne en tous points mémorable.

Poitiers. Cinéma « Le Castille », le 13 Juin 2011. En direct du Royal Opera House de Londres. Giuseppe Verdi (1813 1901) : Macbeth (1847) sur un livret de Piave et maffei tiré de « Macbeth » de William Shakespeare. Avec Simon Keenlyside (Macbeth), Liudmilla Monatyrska (Lady Macbeth), Raymond Aceto (Banco), Dimitri Pittas (Macduff), Steven Ebel (Malcolm), Elisabeth Mesteir(Dama di Lady Macbeth), Lucas Jacobski (Medico). Phyllida Lloyd, mise en scène; Orchestre et choeur du Royal Opera House, Antonio Pappano, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Hélène Biard

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