mardi 22 avril 2025

Poitiers. Théâtre, le 30 avril 2013. Janacek : Katia Kabanova. Kelly Hodson, Katia; Paul Gaugler, Boris … André Engel, scénographie. Martin Surot, piano.

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Lorsqu’il compose Katia Kabanova juste après la première guerre mondiale, Leos Janacek (1854-1928) est arrivé à la maturité de son art. L’oeuvre est créée avec succès en novembre 1921 et fait rapidement le tour des grandes scènes lyriques européennes et internationales. Le metteur en scène André Engel, qui créé cette version de Katia Kabanova à l’Opéra de Vienne (Autriche) en 2011, part en tournée avec la jeune troupe qu’il a monté pour l’occasion et s’arrête à Poitiers en ce dernier jour d’avril 2013. Le public séduit réserve un accueil chaleureux aux jeunes artistes qui donnent vie aux personnages de l’oeuvre de Janacek.


Katia Kabanova au TAP de Poitiers

La mise en scène d’André Engel est épurée mais efficace. Montée en touches plus ou moins colorées montrant la vie telle qu’elle était dans les confins de l’ancienne Tchécoslovaquie (qui appartenait alors à l’empire austro-hongrois) : une jeune fille mariée sans amour sous la coupe d’une belle-mère intolérante et qui, profitant du voyage de son mari, cède à la tentation de l’adultère avant de subir les avanies des villageois qui la poussent finalement à préférer le suicide plutôt que la fuite. La scène de l’orage et plus ou moins de la folie de Katia, qui est pleine de remords après sa liaison coupable avec Boris, est d’ailleurs particulièrement réussie. Le décor unique colle parfaitement à l’impression d’étouffement que peut ressentir Katia avant et après sa faute; quant aux costumes, plutôt marqués années 1950 que fin XIXe, ils ne déparent pas une lecture certes traditionnelle mais séduisante.

Sur le plateau, la jeune soprano canadienne Kelly Hodson fait sien le rôle de Katia. Le travail réalisé en amont porte ses fruits : la diction est tout à fait correcte et scéniquement elle éclaire chez la jeune femme tous les sentiments contradictoires qui l’animent tout le long de l’opéra. L’attitude intolérante et jalouse de sa belle-mère qui l’étouffe et l’empêche de vivre sa vie conjugale en toute sérénité contribue aussi à pousser lentement mais surement Katia au … suicide. Le jeune ténor alsacien Paul Gaugler campe un Boris séduisant tant scéniquement que vocalement; le jeune homme, que nous avions déjà salué à l’occasion du concours international Bellini, a une voix chaleureuse, ronde et parfaitement maitrisée. Jérôme Billy est un Koudriach honorable donnant une image émouvante de l’amoureux sincère en poussant Varvara à fuir avec lui. Les autres chanteurs sont aussi convaincants que le trio principal. Et la jeune troupe qui n’est accompagnée que par un piano et non par un orchestre, se montre engagée grâce à un vrai travail d’acteurs. Une vigilance constante est donc d’autant plus nécessaire que les jeunes gens n’ont pas le soutien discret mais si confortable d’un chef d’orchestre pour leur donner les départs. Et le pianiste Martin Surot a, lui aussi bien du mérite, car si les chanteurs doivent faire montre de vigilance, il doit être attentif à son jeu et donne une prestation d’autant plus exceptionnelle que la musique de Janacek est peu évidente à interpréter sous son apparente simplicité.

Surprenante sur le papier, la version chambriste et sans orchestre de Katia Kabanova n’en est pas moins excellente. Les chanteurs tous jeunes, enthousiastes et dynamiques s’impliquent avec passion. Ils défendent avec talent une vision épurée et conventionnelle même si l’oeuvre est transposée de la fin du XIXe siècle aux années 1950. Le résultat est remarquable et les rappels du public séduit sont parfaitement justifiés ; chacun y a donné le meilleur de soi pendant toute la soirée. Souhaitons bonne route et autant de réussite à cette production millimétrée et à ses interprètes au jeu d’une grande cohérence.

Poitiers. Théâtre, le 30 avril 2013. Leos Janacek (1854-1928) : Katia Kabanova, opéra en trois actes chanté en tchèque sur un livret de Vincence Cervinkave d’après la pièce L’orage de Alexandre Ostrovski. Kelly Hodson, Katia; Paul Gaugler, Boris; Jérôme Billy, Koudriach; José Canales,Tikhon; Mathilde Cardon, Glasa, Elena Gabouri, Kabanicha; Douglas Anderson, Kouligine; Michel Hermon, Dikoj, Céline Laly, Varvara. Martin Surot, piano. André Engel, mise en scène; Irène Kudela, direction musicale; Ruth Orthmann, collaboration artistique, Dominique Müller, dramaturgie; Nicky Rieti, scénographie; Chantal De la Coste-Messelière, costumes; André Diot, lumières.

Illustration: Kelly Hodson (DR)
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