Richard Wagner
première manière
Autour de l’opéra Les Fées, 1833
France Musique
Du 23 au 27 mars 2009 à 13h
Magazine « Grands Compositeurs »
Wagner jeune auteur de 20 ans qui compose son premier ouvrage complet Les Fées (1833), est-il sous influence? Celle de Weber (Der Freischütz, 1821; puis, Euryanthe, 1823), Marschner (Hans Heiling, 1833), mais aussi Spohr (Jessonda, 1827)… Tout génie n’est pas issue de rien: il est plutôt le fruit polémique et aussi critique d’un milieu musical et artistique qui le porte, l’inspire, le fait réagir. Avant Lohengrin qui réinvente l’opéra romantique allemand, Wagner puise chez les grands maîtres du genre. N’y aurait-il pas aussi un soupçon de Rossini, celui de Guillaume Tell qui en 1829 « invente » le grand opéra français du XIXème siècle, aux côtés des audaces dramatiques de Berlioz?
A Paris, scène incontournable pour tout dramaturge souhaitant imposer son style en Europe, Wagner porteur de Tannhäuser, au grand dam de Berlioz, s’expose aux comparaisons avec les tenants du style officiel d’alors: Halévy (La Juive, 1835), Meyerbeer (Les Huguenots, 1836)…
Strauss contre Cosima
A l’occasion de la création française de l’opéra Les Fées de Richard Wagner (1833), sur la scène du Châtelet, France Musique fait le point sur le métier musical du jeune Richard (âgé de 20 ans!) auteur précoce d’un opéra complet Les Fées, inspiré par la comédie La Donna serpente (La Femme Serpent, 1762) de Gozzi. L’ouvrage est composé à Wurtzbourg en 1833, puis créé… en 1888 à Munich. Grâce à l’intervention de Richard Strauss (si Wagnérien dans son Guntram), qui s’opposa à la résistance de Cosima Wagner… laquelle hélas/heureusement n’avait plus en 1888, les droits sur les premières oeuvres de son mari, Richard Wagner.
Préfiguration des thèmes qui porteront toute l’oeuvre à venir, de Lohengrin à Tristan et Parsifal, Wagner dans ce premier essai pléthorique, sorte de synthèse de tous les styles et les effets à son époque, traite de l’amour et de la malédiction: un couple impossible (une prince et une fée) sont éprouvés dans leurs sentiments: perte de la confiance, illusion décisive, fatalité, impuissance… pourtant contre le poison du destin et la difficulté de s’aimer et se comprendre, les héros se retrouvent à la fin, sublimés par les épreuves traversées et conquises…
Synopsis
Le prince Arindal se réveille auprès de la fée Ada. Il doit vivre à ses côtés sans jamais lui poser la moindre question sur son passé (même voeu de silence posé entre Elsa et Lohengrin). Or le doute et le soupçon sont plus forts que l’amour et Arindal revient dans le monde réel… pour connaître de nouveaux obstacles: s’il ne maudit pas Ada, c’est qu’il l’aime sans douter, en toute confiance. Mais à nouveau, croyant voir son aimée tuer leurs propres enfants, Arindal maudit celle qui les a portés; le charme est rompu et le prince ne peut s’unir à Ada, laquelle pour s’être épris d’un mortel, est changée en pierre. On voit ici que Strauss et son librettiste Hoffmansthal se souviennent de la métamorphose en pierre dans La Femme sans ombre (l’Empereur est menacé d’être lui aussi changé en pierre)…
La pression du doute, le manque de confiance peuvent fissurer un amour que l’on croyait éternel. Au terme d’une nouvelle quête sous la protection du mage Goma, Arindal parvient à retrouver Ada, prouver son amour indéfectible: Grâce à sa lyre, -il est donc musicien: serait-ce un double, déjà, de Wagner-, Arindal reconquiert la Fée magicienne et peut à nouveau la rejoindre dans le monde des fées.
Intrigue foisonnante tel un grand opéra romantique, tableaux féeriques, machineries, illusions, l’opéra Les Fées de Wagner ne sera joué qu’en 1888… quand Wagner souhaitait la faire créer dans les années 1830 à Leipzig. Sur le plan de la forme, le jeune musicien opère une synthèse (désordonnée ou trop argumentée selon les avis) entre les Italiens et Meyerbeer…
Illustrations: Wagner, le chevalier et la fée de Burnes Jones (DR)