jeudi 24 avril 2025

Robert Schumann, de Düsseldorf à Endenich (1850-1856) Les dernières années de la vie du compositeur

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Trio à 3 coeurs

A l’occasion du film « Clara » (de Helma Sanders-Brahms, dans les salles, le 29 avril 2009), classiquenews retrace les événements de la vie de Robert Schumann pendant la période du film, celle des dernières années de la vie du compositeur romantique, de septembre 1850 quand il se fixe à Düsseldorf, jusqu’à sa mort dans un asile près de Bonn en 1856. Entretemps, se réalise une rencontre unique et miraculeuse, celle du couple Schumann avec le jeune prodige musical, alors âgé de 20 ans, Johannes Brahms…

Tout semble se jouer à Düsseldorf en 1853. Un trio musical, humain et artistique se noue, précisément le 30 septembre 1853, quand le jeune Johannes Brahms, alors âgé de 20 ans, se présente au domicile du couple Schumann: Clara (34 ans), Robert (43 ans). C’est à cette date que débute l’une des relations triangulaires les plus captivantes de la vie musicale. Mais ici, l’amour qui circule de l’un à l’autre, de Clara aux deux hommes qui l’entourent, ne se « réalise » que dans le couple Schumann; la dévotion que voue Brahms à son aînée Clara, ne semble pas se concrétiser, y compris après le décès de Robert en 1856. Et même si nous avons perdu plusieurs lettres essentielles de leur correspondance, détruites par les deux intéressés, les deux âmes qui se sont reconnues ont vécu un amour platonique… Johannes et Clara que tout pouvait réunir, entretiennent une indéfectible amitié jusqu’à la mort de Clara, en particulier dans le travail de sélection et d’édition des oeuvres de Robert.

Le film se déroule pendant les 6 dernières années de la vie de Robert, de 1850 à 1856, l’année de la mort du compositeur (il s’éteint le 29 juillet). En provenance de Dresde, le couple Schumann vient de s’installer à Düsseldorf, (septembre 1850) : compositeur non encore reconnu à sa juste valeur, Robert a accepté de diriger l’orchestre de la ville, lui qui vit assez mal la notoriété plus grande que la sienne, de son aimée, Clara, pianiste virtuose, célébrée dans toute l’Europe pour sa digitalité enchanteresse. Epouse loyale et aimante, Clara encourage son mari dans l’écriture, joue au concert ses oeuvres… comme elle jouera aussi les partitions de leur jeune protégé, Brahms.


Düsseldorf, la fin

Si pour ce dernier, la vie est une aventure qui commence, en particulier exaltée par la figure inspiratrice de Clara, Robert s’enfonce peu à peu dans l’anéantissement de ses forces vitales. En perte d’équilibre psychique, de plus en plus hanté par ses hallucinations auditives qui le font souffrir et l’excluent progressivement de son entourage – au point de perdre son emploi comme chef de l’Orchestre de Düsseldorf (remplacé par Julius Tausch en septembre 1852), Robert ressemble à un spectre errant, une ombre parmi les mortels, un déraciné, un inadapté.
Mélancolie tenace, insomnie dévorante, parole difficile et hâchée, l’homme s’abîme dans lui-même, nous laissant cependant des oeuvres sublimes dont témoignent la 3ème Symphonie Rhénane (inspirée par la Cathédrale de Cologne, composée en février 1851 pour l’Orchestre de Düsseldorf, peu de temps après sa prise de fonction comme directeur musical en septembre 1850). Il écrira encore son Concerto pour violoncelle (jamais joué de son vivant), s’attellera aux Scènes de Faust, poursuit son excursion en musique de chambre (2 Sonates pour violon et piano, septembre 1851), élabore un Requiem d’après Lenau (écrite en mai, la partition s’avère être le propre requiem de l’écrivain mort dans un asile à l’été 1851!), innove dans deux nouvelles formes: mélodrame parlé et ballade pour choeur et orchestre. De l’été 1853, quelques semaines avant la rencontre avec Brahms, Robert a composé l’Ouverture de Faust, la Fantaisie pour violon et orchestre; et plus tard, en septembre 1853, le Concerto pour violon pour le jeune soliste Joachim…

La période de Düsseldorf est sans alternative pour Robert: ses crises personnelles l’empêchent d’être à la hauteur de son poste auprès de l’Orchestre: peu communiquant, il ne parle pas assez fort, dirige sans appui ni précision. L’année 1852 est particulièrement douloureuse: effondrement psychique (en août, comme en 1844-1846), hallucinations auditives intenses (novembre). De toute l’année écoulée, il ne dirigera qu’une seule oeuvre avec l’Orchestre: la Ballade opus 140, « Vom Pagen und der Königtocher », le page et la fille du roi (décembre 1852). La rencontre avec Brahms, cet « élu », musicien de l’avenir que Schumann désigne comme le seul musicien digne de lui succéder, scelle le destin du créateur quadragénaire: un après leur première entrevue, en septembre 1853, Schumann après avoir tenté de se suicider en se jetant dans le Rhin, demande à être interné pour être soigné, au soir du 26 février 1854. Le film « Clara » s’inscrit précisément dans le déroulement de cette année décisive (1853-1854), où une femme vénérée assiste impuissante à l’effondrement de son époux génial (Robert), où se précise dans sa vie la présence d’un jeune être de plus en plus indispensable, Johannes…

Unique et même exceptionnelle, reste la créativité de Schumann entre deux périodes d’effondrement. La maladie du compositeur à laquelle la science de l’époque ne peut apporter aucun remède, rend plus aiguë sa quête d’idéal musical, d’autant que la période de Düsseldorf, malgré la nuit qui voile de plus en plus le discernement de l’homme et sa conscience au monde, est marquée par une prodigieuse créativité, ce dans tous les domaines de l’écriture.

Illustrations:

1. Robert Schumann par Bonaventure Laurens (1801-1890): portrait réalisé en 1853 à Düsseldorf, à l’époque où le compositeur rencontre son jeune « élu », le musicien de l’avenir et celui qu’il désigne comme son successeur, Johannes Brahms.

2. L’ange de la mort et du destin par Alfred Rethel. Le peintre séjourna comme Schumann à Endenich, simultanément au compositeur, de mars à mai 1854 (!)

3. Ferdinand Khnopff: en écoutant du Schumann, 1883 (DR)

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