Lundi 25 décembre 2006
Journée
Roberto Alagna
« L’affaire de la Scala » dévoile un artiste entier
C’est un artiste entier, au tempérament indomptable et généreux, à la mesure de son timbre lumineux et solaire qui est l’invité de Radio classique. En décembre 2006, l’affaire de la Scala a révélé un artiste prêt à assumer ses responsabilités. Programmé dans le rôle de Radamès, le général égyptien de l’opéra Aïda de Verdi, dans la production de Franco Zeffirelli, (à l’affiche de la Scala de Milan, jusqu’au 12 janvier 2007), le ténor français, âgé de 43 ans, a interrompu sa prestation d’une façon spectaculaire, dimanche 10 décembre dernier. De nombreux sifflets se sont élevés de la salle italienne à l’encontre du ténor français, après qu’il achevait son premier grand air, « Celeste Aïda« . L’interprète décidait sur le champ, en pleine action, de se retirer, préférant s’éloigner d’un « public hostile« , parlant de « cabale » orchestrée contre lui. Le lendemain, lundi 11 décembre, le directeur du Théâtre, Stéphane Lissner décidait de se séparer de la star française, parlant d’une « déchirure » entre l’artiste et le public de la Scala…
Aujourd’hui, le chanteur déclare avoir agi en cohérence avec le désir d’un public opposé, visiblement peu enclin à lui pardonner de récents engagements dans d’autres répertoires que l’opéra classique… le ténor estime légitime d’avoir quitté une audience contraire, préférant se retirer par respect pour les vives réactions exprimées. D’autant que n’ayant jamais été hué jusque là, il ne pouvait plus poursuivre sa prestation, souffrant d’hypoglycémie après le choc éprouvé dans ces conditions.
Interrogé par Marc-Olivier Fogiel, mardi 12 janvier 2006 à 8h50, au micro de RTL, Roberto Alagna estimait que la décision de Stéphane Lissner de rompre leur contrat, à la suite de la production du 10 décembre, pouvait pénaliser le reste du public milanais, présent pour les autres réprésentations de la Scala. Le ténor confirmait être prêt à reprendre son rôle. Lors de la Première, le 7 décembre 2006, retransmis en direct de la Scala, la représentation avait été accueillie chaleureusement par public et critiques. Le 25 décembre 2006, au micro de Radio classique, le chanteur précisera encore sa position, d’autant que d’ici là, « l’affaire Aïda » risque d’évoluer…
Carrière
Le ténor français le plus célèbre de l’heure, est né à Clichy-sous-bois (93), un certain 7 juin 1963. A 43 ans, Roberto Alagna enchaîne les rôles avec une santé opiniâtre. Nommé « artiste lyrique de l’année » aux Victoires de la musique 2004, l’interprète est reconnu, adulé même : il a rencontré son public, un public convaincu qui le suit indéfectiblement pour chaque prise de rôle ou chaque album (publié chez Universal music, son éditeur avec lequel il a signé un contrat d’exclusivité en 2004). Comme en témoigne son album dédié à Luis Mariano et qui à dépassé les 400 000 ventes en France : un record digne de la variété.
L’été 2006 a validé de nouvelles prises de risques, à Montpellier dans Fiesque, un opéra retrouvé de Lalo, pour lequel il s’est investi ; surtout Radamès dans Aïda de Verdi aux Chorégies d’Orange 2006, un rôle qu’il a superbement abordé au Liceu de Barcelone, jusqu’au 1er décembre 2006. Nouveau défi pour sa voix d’airain, nouvelle réussite. L’artiste n’entend pas en rester là : il rêve de poursuivre une généalogie de rôles, déjà impressionnante. Demain, Le Cid de Massenet, Le Trouvère de Verdi, et Faust de Gounod devraient être ses prochaines incarnations.
L’artiste est aussi un défricheur qui aime le risque, mesuré. Il n’ a pas hésité à investir sur ses fonds propres, pour la production en dvd, de Cyrano de Bergerac d’Alfano (DG), pas moins de 750 000 euros. Mais le résultat est à la hauteur des efforts consentis : le chanteur se montre passionné par l’image et la réalisation audiovisuelle. En cinéaste, il a su y préserver la vérité et l’expression du drame d’Alfano d’après Rostang.
Roberto Alagna est l’invité de Radio classique, le 25 décembre 2006. Une journée passionnante où le ténor engagé, qui a plein la tête de projets, se dévoilera davantage. Pour Noël, découvrez la personnalité attachante du plus grand ténor français de l’heure.
Journée Roberto Alagna sur Radio classique, de 9h à 19h. A 18h, le ténor répond aux questions des auditeurs.
Approfondir
« L’affaire Aïda » : synthèse et revue de presse
Roberto Alagna au dvd
« Roberto Alagna, live in Paris » : un récital comme on les aime. Le chanteur exhibe des cheveux longs style dandy romantique : il paraît en séducteur. Cela commence doucement avec l’ouverture de Carmen, puis peu à peu, la voix s’amplifie, articule, taquine, s’envole (air du Prince Calaf dans Turandot de Puccini), ose des variations inédites indiscutablement délectables (Une Furtiva lagrima de l’elisir d’amore de Donizetti), impose un tempérament dramatique intense et rare (deux airs suspendus de Paillasse de Leoncavallo)… mais aux côtés du vériste que même les italiens nous envient, Roberto Alagna s’affirme tout autant dans un français ciselé (Cid de Massenet et Carmen de Bizet : « La fleur que tu m’avais jeté »)… le texte est projeté avec relief et émotivité. Le ténor est un lion, habité, sanguin, indiscutable. Enregistré les 8 et 11 janvier 2001, ce concert parisien, Salle Gaveau, reste un témoignage indispensable pour mesurer le talent de l’acteur et du chanteur (1 dvd, DG).
Leoncavallo, Pagliacci. Filmée depuis les arènes de Vérone, en février 2002, la production de ce Paillasse mérite totalement son transfert en dvd : Roberto Alagna, en costume de clown triste et blessé, est un Canio poignant et même bouleversant. Le ténor est au sommet de son art : la perfection mesurée de son style vériste éclaire l’amplitude tragique du personnage, et la finesse de l’interprète. Son grand air : « Recitar… Vesti la giubba » fait entendre un art maîtrisé du chant habité et intérieur. Le chanteur est entouré d’une équipe vocale cohérente, dans une mise en scène convaincante. A voir sans hésitation (1 dvd, DG).
Livre
Le ténor fait paraître aux éditions Grasset, une autobiographie « Je ne suis pas le produit du hasard« , en janvier 2007. Prochaine chronique sur classiquenews.com dans notre magzine des livres. Plus qu’une évocation de sa carrière lyrique déjà phénoménale, l’artiste mène dans ce livre personnel, une « quête des origines ». Evocation de son berceau familial, sicilien, où l’opéra est une seconde langue…
Crédit photographique
Roberto Alagna (DR)