L’opéra est une arène riche en événements, scandales et rebondissements. La sortie fracassante de Roberto Alagna qui campait Radamès dans la production d’Aïda présenté à la Scala de Milan, suscite un débat houleux dans le milieu musical. D’autant plus que la production milanaise prend valeur de symbole : il s’agit de la première saison de la réouverture du Théâtre, et aussi le retour de Franco Zeffirelli, qui à l’âge de 83 ans, signe sa cinquième mis en scène du chef-d’oeuvre verdien. Abandon scandaleux d’une star capricieuse, attitude excessive d’un public préparé réputé pour son exigence ? Directeur au départ fan puis rendu tranchant par les événements, ou chanteur entier, sensible et droit ? Que croire ? Voici un bilan des événements et déclarations relayés par les medias depuis l’incident survenu le 10 décembre 2006.
Les faits
Jeudi 7 décembre 2006 : première d’Aïda à la Scala de Milan. Soirée prestigieuse pour la réouverture du théâtre milanais. Roberto Alagna chante Radamès, le général égyptien triomphateur des éthiopiens. Le spectacle est retransmis par de nombreuses chaînes de radios, dont France musique, en direct. Public et critiques accueillent chaleureusement le spectacle.
Dimanche 10 décembre 2006 : deuxième représentation de l’opéra à l’affiche de la Scala jusqu’au 12 janvier 2007. Après avoir chanté son air Celeste Aïda, le ténor français est l’objet de hués et de sifflets. Il décide d’interrompre sa participation à la représentation. Sa doublure (Antonello Palombi) le remplace illico (en jeans et chemise : une première historique sur les planches de la Scala) permettant que se poursuive le spectacle.
L’affaire Alagna relayée par les medias
Dimanche 10 décembre 2006
Dès dimanche 10 décembre 2006, le jour du retrait volontaire du ténor français de la production d’Aïda, l’AFP confirmait sa décision d’interrompre sa participation face à l’hostilité du public. Pour sa deuxième soirée, l’opéra de Verdi avait suscité de nombreux sifflets du public, après que le chanteur français terminait son premier grand air : « Celeste Aïda« .
Lundi 11 décembre 2006
Lundi 11 décembre 2006, Stéphane Lissner, toujours selon un communiqué transmis par l’AFP, faisait savoir sa décision de cesser la collaboration de Roberto Alagna à la production d’Aïda à la Scala de Milan.
Mardi 12 décembre 2006
Mardi 12 décembre, au micro de Marc-Olivier Fogiel, sur RTL (entretien quotidien « on ne pouvait pas le rater« , de 8h50 à 9h), Roberto Alagna depuis son Hôtel de Milan confirmait sa position, regrettait la décision de Stéphane Lissner en mettant en avant que le public des soirées suivant le 10 décembre, était composé de personnes différentes qui avaient peut-être réservé leurs billets pour l’écouter. A aucun moment, le chanteur n’estime avoir manquer de respect vis-à-vis du public. Au contraire, en décidant de se retirer de la scène en cours de représentation, il indique qu’il n’a fait que respecter l’hostilité d’une salle chauffée, décidée à le huer, évoquant même une cabale à son égard.
Découvrir et écouter l’entretien sur le site RTL (archive : « on ne pouvait pas le rater » du 12 décembre 2006)
Mardi 12 février, Le Figaro publiait une nouvelle déclaration de Stéphane Lissner dans laquelle le surintendant de la Scala mettait « en garde » le ténor Français, l’invitant à moins « se disperser » « après sa sortie fracassante » de la représentation d’Aïda de Verdi. Le Surintendant soulignait les déclarations malheureuses du chanteur, avant la représentation du 10 décembre dans lequel la star du lyrique français aurait déclaré : « La Scala ne me mérite pas ». En conclusion, l’article validait en tout état de cause, aux côtés des titres de la presse italienne, qu’un « tel accident était la preuve de la résurrection de la Scala ». Ce en quoi était d’accord Lissner.
Le Monde de son côté, soulignait le « beau scandale » suscité par le ténor, dimanche 10 décembre. « Quelques sifflets ont suffi, dès le premier acte, à la fin de la périlleuse aria « Celeste Aïda », pour désarçonner le chanteur, qui a commencé par s’asseoir sur un gradin du décor, avant de sortir d’un pas furibond en dégrafant son costume de Radamès. » Laissant en particulier pantois, le chef Riccardo Chailly.
Le Quotidien parle d’un « coup de tête » de la part d’un chanteur qui n’avait pas supporté, après la Première du 7 décembre, le faible enthousiasme des critiques qui l’avait boudé, alors qu’il « avait été le meilleur ». Selon le Quotidien : « A la veille de son esclandre, Roberto Alagna avait déjà annoncé ses adieux à la Scala : « Je n’y reviendrai plus, avait-il confié aux journalistes. Ce n’est pas un théâtre fait pour moi, je chante les quatre représentations d’Aïda, puis j’annule Manon Lescaut programmée en 2008. »
Jeudi 14 décembre 2006
Selon un communiqué de l’agence Ansa, Roberto Alagna revenait sur le devant de la scène. Quelques minutes avant le début de la représentation d’Aïda, le ténor se plaçait devant la Scala et entonnait un air de Madama Butterfly de Puccini.
Voici la dépêche que la Rédaction de classiquenews.com mettait en ligne le 15 décembre 2006, suite à une confirmation de l’agence AFP de Rome.
MILAN : interdit d’Aïda, Roberto Alagna chante Madame Butterfly devant la Scala
Initialement programmé jeudi 14 pour Aïda de Verdi à la Scala de Milan, mais écarté de la production verdienne après qu’il ait quitté la scène en plein spectacle, sous les huées du public, dimanche 10 décembre, Roberto Alagna chantait un air de Madama Butterfly de Puccini, devant la Scala, jeudi 14 décembre à 19h45, devant photographes et caméras de télévision.
Le ténor français 43 ans entendait ainsi manifester sa détermination, montrer qu’il se tenait toujours prêt à reprendre le rôle de Radamès vis-à-vis de la direction du Théâtre milanais dont la surintendant Lissner avait décidé de l’exclure. « J’ai toujours été généreux avec le public (…) mais dimanche soir il n’y a même pas eu un applaudissement pour me dire Roberto reviens », a ajouté l’artiste.
Mardi 19 décembre 2006
Dans le corriere della sera, Franco Zeffirelli annonce qu’il aimerait embaucher le couple Alagna/Gheorghiu pour sa Traviata en avril 2007 à l’Opéra de Rome : une version « érotique » du drame sentimental d’après Dumas fils, à laquelle rêvait Verdi, et dans laquelle le couple à la ville comme sur la scène fera merveille. Il s’agira aussi d’offrir au ténor hué pour son incarnation de Radamès dans Aïda du même Verdi (Scala, décembre 2006), une revanche… après son abandon « impardonable », a précisé le metteur en scène octogénaire.
Crédit photographique
Roberto Alagna (DR)
Roberto Alagna, dans le rôle de Radamès à la Scala (DR)