La Dame du lac
La donna del lago, 1819
Paris, Palais Garnier
Du 14 juin au 10 juillet 2010
Roberto Abbado, direction
Lluis Pasqual, mise en scène
Nouvelle production
Inspiré du roman anglais romantique de Walter Scott, The Lady of the lake (1810), le melodramma en deux actes de Rossini, La Donna del Lago (la Dame du Lac) est créé le 24 octobre 1819 à Naples au Teatro di San Carlo. Proche de l’opéra seria, avec sa nécessaire fin heureuse et le portrait obligé d’un politique vertueux, La Donna de lago met en scène le roi Giacomo qui sous divers déguisements (un chasseur au I, puis un berger au II) ne cesse de penser à celle qu’il aime (Elena)… qui pourtant ne lui est pas destinée. Malgré son inclination pour la belle, le roi sait in fine renoncer et bénir l’union d’Elena avec le rebelle Malcolm.
Rossini écrit son nouvel opéra pour la San Carlo de Naples, scène familière (il y a créé Ermione au printemps 1819). Mais le jeune compositeur, déjà célébré grâce au Barbier de Séville (1816), reprend du service à la demande du directeur du San Carlo, Barbaja car Gaspare Spontini quitte soudainement le Théâtre napolitain pour devenir Kapellmesiter de Guillaume III de Prusse.
Très vite, le choix de sujet se porte sur La Dame du lac de Walter Scott, alors dévoilée dans la traduction française de Batton. Rossini construit son opéra à partir du livret italien qu’en écrit Tottola. Composée en quelques mois jusqu’en septembre 1819, la musique prend prétexte des couleurs langoureuses et fantastiques (le livret intègre des éléments poétiques empruntés à Ossian, autre auteur à la mode, particulièrement adulé de Napoléon). Outre ses tableaux fantastiques, l’ouvrage captive aussi par ses paysages convoquant les célèbres Highlands écossaises (qu’admireront tant Flaubert et Stendhal).
Le succès de l’opéra s’appuie évidemment sur la diva Isabella Colbran dans le rôle d’Elena: la cantatrice à la tessiture impressionnante (du contralto au soprano), maîtresse de Barbaja, allait devenir l’épouse de Rossini quelques temps plus tard.
L’oeuvre connaît en réalité à sa 2è représentation, comme Le Barbier de Séville, un vrai triomphe. Paris l’acclame après Naples, en 1824. L’opéra devait être de plus en plus rare dès 1860. A l’idéal émotionnel, toujours élégant et digne de Rossini, les théâtres européens préféraient désormais l’âpreté mordante et la tendresse intimiste des opéras de Verdi. C’est le Mai musical florentin de 1958 qui engage la résurrection de l’opéra sur les planches.
Hommes armés, bardes engagés dans les landes sauvages, vastes paysages aux brumes atmosphériques suggestives, héroïne tendre et divers soupirants sincères, portraiturés sur un fond de forêts fantastiques voire inquiétantes, La donna del lago (La dame du lac) est l’un des premiers opéras romantiques où la nature amplement exprimée à l’orchestre, se fait miroir et double des caractères. L’effusion simple, le génie de la mélodie, le souci de la ligne vocale annoncent évidemment Bellini et Verdi. Le roman anglais gothique de Scott allait encore inspiré Lucia di Lamermmoor de Donizetti (1835), manifeste de l’opéra romantique italien dont tous les éléments expressifs sont déjà contenus dans La Donna del lago... Nature profonde et inspiratrice, élégance d’un bel canto jamais excessif (aucune scène de folie ou de hargne inconvenante), La Donna del lago annonce aussi à l’autre extrémité de la carrière de Rossini, son grand opéra Guillaume Tell, créé pour l’Opéra de Paris en 1829, soit 10 années après, grand modèle pour les ouvrages spectaculaires de Myerbeer et Halévy.
Pourquoi aller applaudir cette nouvelle production? Le vrai chant rossinien est digne, élégant, naturel et aussi dramatique. Difficile de distribuer aujourd’hui les opéras de Rossini, surtout dans la veine seria, sans éviter pathos et surdramatisation… La nouvelle production au Palais Garnier écarte toute réserve grâce aux deux interprètes annoncés: le ténor péruvien, Juan Diego Florez, au style exceptionnel, idéal pour le répertoire rossinien (programmé dans le rôle de Giacomo/Uberto en juin, mais aussi Joyce DiDonato dans celui d’Elena (en juin, à laquelle succède en juillet, la très estimable mezzo française Karine Deshayes… récemment remarquée sur la scène tourangelle dans Capuletti e Montecchi de Bellini, dans le rôle de Roméo)…
Illustrations: Rossini (DR)