mercredi 23 avril 2025

Saint-Etienne. Grand Théâtre Massenet, le 19 mars 2013. Verdi : La Traviata. Joyce El-Khoury… Laurent Campellone, direction. Jean-Louis Grinda, mise en scène

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Coproduite avec Monte-Carlo, cette nouvelle production de La Traviata fait halte dans la cité stéphanoise avec une distribution renouvelée.
Jean-Louis Grinda a imaginé une mise en scène somptueuse, classique mais résolument fouillée dans sa direction d’acteurs. A ce titre, le prologue marquera longuement les mémoires : cette maison close miteuse, où une jeune prostituée malade, entourée par ses compagnes d’infortune, est rachetée par un baron qui la fait devenir… Violetta Valéry. On retiendra également durablement le ballet de la fin du deuxième acte, chez Flora, qui embarrasse si souvent les scénographes. Ici, il est une représentation du destin de la Traviata, séduite par les hommes puis malmenée et piétinée par eux. Un moment d’une grande force dramatique, grâce à la chorégraphie poignante d’Eugénie Andrin, qui incarne avec puissance cette figure féminine broyée par l’univers masculin. Les décors coulissants de Rudy Sabounghi donnent une admirable fluidité à l’action, alors que les costumes luxuriants de Jorge Lara confèrent à la production, faste et élégance.


Une dévoyée de grande allure

Parmi des seconds rôles bien tenus, on notera le Docteur Grenvil percutant de Frédéric Caton, présence inquiétante et rassurante à la fois. La Flora de Marie Karall impressionne une nouvelle fois par la puissance et la beauté de son instrument, mais elle continue de sonner à nos oreilles comme un véritable soprano grand lyrique, dont les couleurs nous ont fait à plusieurs reprises durant la soirée rêver à une superbe Violetta.
Le baryton italien Vincenzo Taormina fait de son mieux pour incarner Germont, mais force est de constater qu’il n’est pas le baryton Verdi demandé par la partition, une écriture qui l’oblige bien souvent à élargir son instrument au détriment de la souplesse de la voix et des nuances, qui sonnent ainsi détimbrées. Et lorsqu’il retrouve furtivement sa vraie couleur, c’est un beau baryton lyrique, très musicien, mais qui devrait se tenir éloigné des œuvres du cygne de Bussetto.
Prise de rôle pour le jeune ténor français Stanislas de Barbeyrac, au physique idéal pour Alfredo. La voix est d’une belle couleur, l’interprète se révèle très musicien et l’acteur doté d’une énergie indéniable. Néanmoins, ce soir-là l’émission pourrait gagner en hauteur et en concentration, facilitant ainsi l’aigu, et le legato gagnerait à être mieux soutenu et davantage pensé dans la continuité de la ligne vocale. Mais nous suivrons l’évolution de ce chanteur avec beaucoup d’intérêt.
Triomphe mérité pour la Violetta incandescente de la canadienne Joyce El-Khoury. Dès les premières notes, on est conquis par la voix ample et corsée de cette soprano, par ailleurs très belle femme. Son « Ah, fors’è lui » impressionne par la qualité de ses piani et l’inventivité des ornements lors de la reprise, alors que « Sempre libera » déborde de feu, sans pour autant négliger la précision des vocalises, prouvant ainsi que cet air, malgré sa virtuosité, exige une voix large.
Sa confrontation avec Germont démontre plus encore l’assise de son médium et la noble retenue de son jeu scénique, tout en intériorité. Un sommet est atteint dans un « Amami Alfredo » puissant, porté par l’orchestre, poignant de déchirement. Et c’est avec un troisième acte d’une parfaite justesse dramatique et vocale, offrant un « Addio del passato » de grande école, qu’elle clôt cette incarnation exceptionnelle du rôle-titre.
Le chœur et l’orchestre ne sont pas en reste, chauffés à blanc par Laurent Campellone, décidément l’une des grandes baguettes du moment. Le maestro sait ciseler l’accompagnement de la ligne verdienne, et tout autant faire gronder ses musiciens lorsque le drame l’ordonne, en vrai chef de théâtre.
Une nouvelle réussite à saluer pour l’Opéra de Saint-Etienne.

Saint-Etienne. Grand Théâtre Massenet, 19 mars 2013. Giuseppe Verdi : La Traviata. Livret de Francesco Maria Piave d’après Alexandre Dumas. Avec Violetta : Joyce El-Khouri ; Alfredo : Stanislas de Barbeyrac ; Germont : Vincenzo Taormina ; Flora : Marie Karall ; Annina : Patricia Schnell ; Gastone : Frédéric Diquiero ; Baron Douphol : Vladimir Kapshuk ; Marquis d’Obigny : Guy Bonfiglio ; Docteur Grenvil : Frédéric Caton. Chœur Lyrique Saint-Etienne Loire. Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire. Laurent Campellone, direction musicale ; Mise en scène : Jean-Louis Grinda. Assistante mise en scène : Vanessa d’Ayral de Sérignac ; Décors : Rudy Sabounghi ; Costumes : Jorge Lara ; Lumières : Laurent Castaingt ; Chorégraphie : Eugénie Andrin ; Chef de chœur et assistant à la direction musicale : Laurent Touche ; Chef de chant ; Cyril Goujon

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