mardi 22 avril 2025

Schubertiades à Grenoble Musique en musée. Les 3, 12 et 23 mai 2007

A lire aussi

Schubertiades

Grenoble, musique en musée.
Les 3, 12 et 23 mai 2007

Trois schubertiades, c’est ce que propose pour son 20 ème anniversaire l’association grenobloise L’Oreille en fête – Musée en musique. A trois reprises (3, 12 et 23 mai 2007), ce groupe de musique de chambre offre avec des artistes qui ont été les familiers de son parcours entre arts musicaux et visuels plusieurs des partitions les plus importantes du dernier Schubert : Quintette à deux violoncelles, les deux Trios, Sonate D.960, Fantaisie pour piano à 4 mains…

Jeudi 3 mai 2007
15h et 18h30, J.F.Zygel ; 21h15 : P.Coutelen, F.Lauridon, G.Torma. Auditorium du musée.

Jeudi 12 mai 2007
19h30 : E.Ferrand N’Kaoua, Quatuor Manfred, M.Coppey, S.Genz, E.Schneider. Auditorium de la MC 2.

Mercredi 23 mai 2007

17h30 : B.Lespinard ; Trio Athéna, S.Chamoux et J.F.Cholé. Auditorium du musée.

Franz Schubert (1797-1828): Fantaisie D.934 (piano-violon), sonate
arpeggione-piano. Sonate piano D.960, Impromptus op.90. Quintette à
cordes D.956. Trios 1 op.99 et 2, op.100. 24 lieder du Voyage d’hiver.
Fantaisie piano 4 mains, D.940

Petit champignon, petite bouteille

Qui était-il davantage, ce « petit Franz » (Schubert), mort en 1828 à 31 ans, surnommé « schwammerl », petit champignon – à moins que ce n’ait été pour les intimes petite bouteille, en raison de son goût pour les alcools conviviaux -, et qui écrivait « je ne suis venu au monde que pour composer… mes créations existent par la connaissance de la musique et par celle de ma douleur. » ? Un « petit instit des faubourgs de Vienne », mais très doué dans l’art des sons, et suffisamment pour qu’autour de lui se soit déjà créé, de son si court vivant, une légende qui allait devenir en histoire de la musique un des lieux majeurs de toute création ? Un vrai modeste qui n’a que par éclairs de lucidité la conscience provocatrice de son étrange génie, et va demander quand il est au sommet de son art des leçons de contrepoint ? Un homme jeune, profondément malheureux, à qui l’insuccès public puis « la maladie de la mort cruelle et annoncée » ne laissent de répit qu’en surface, et qui dans son ultime délire interrogera : « N’y a-t-il donc pas de place pour moi à la surface de la terre ? ». Un représentant de la génération post-1815, tourmentée par le régime flicard de Metternich, cet aristocrate écouteur aux longues oreilles qui envoyait chercher pour les faire passer à tabac (Franz en fut, un soir), emprisonner ou exiler intellos et artistes déviants ? Le héros implicite et masqué de ces fameuses séances et promenades que la postérité gardera en souvenir ému d’un paradis perdu sous le nom de « schubertiades », où rivalisait de gaieté, d’émotion poétique, de subtilité, de joutes oratoires et musicales une élite d’écrivains, de peintres, d’interprètes, de spectateurs culturellement curieux de la nouveauté ? Un voyageur qui n’alla jamais bien loin autour de Vienne, mais fit le tour des mondes avec son intériorité imaginatrice ?

L’horizon de Belledonne

Schubertiades : voilà en tout cas le titre que donne à ses trois séries de réjouissances anniversaires l’association L’Oreille en fête- Musée en musique. Il est de plus mauvais choix, et à propos du compositeur bien sûr, et aussi pour l’atmosphère à recréer. C’est depuis vingt ans que les Grenoblois – dont la ville a toujours été en recherche de modernité et « d’hyper-textualité » – sont conviés à réjouir d’un même mouvement leurs yeux et leurs oreilles. Cette théorie mise en pratique de « correspondances » fructueuses bénéficie d’un Musée depuis longtemps modèle sur le plan des choix d’auteurs contemporains décisifs et le soin apporté à la présentation des œuvres (ah la grande salle donnant sur l’horizon de Belledonne !). Les échanges dans ce domaine ordinairement consacré à la musique de chambre sont devenus la règle, du tableau à la partition, du jeu au commentaire, à la conférence et à la visite, de l’œuvre à la synthèse thématique. En ce joli mois de mai 2007 ce sont donc trois schubertiades à date échelonnée, et on sait gré aux programmateurs d’avoir choisi des œuvres hautement significatives, elles-mêmes résumés de ce que le compositeur romantique par excellence a pu rechercher, proposer à un public averti, et offrir dans sa folle générosité d’inspiration aux générations ultérieures. Car ne nous faisons pas d’illusions rétrospectives : si Schubert donnait pour être moins inconnu quelques partitions apparemment faciles, voire salonnardes, l’essentiel du message demeura inaperçu de ses contemporains, et impensable dans cette Vienne où selon Beethoven, qui avait pourtant là une stature de Commandeur, il n’y en avait que pour « Rossini über alles ». Alors le petit Franz, vous pensez… « Franz qui ? », aurait-on pu demander dans les lieux où se faisait l’opinion artistique. Mais si, vous savez, ce compositeur de jolies romances….Et puis souvent Schubert n’osait pas : même adresser la parole à Beethoven, son-Dieu-sur-la-terre. Et s’il envoyait au génie poétique Goethe une « mise en musique » de son Erlkönig (Roi des Aulnes) et de sa Marguerite au rouet, le génie ne daignait même pas signer pour le facteur un accusé de réception. Et si, dans les derniers mois de sa vie, le compositeur laissait organiser par ses amis un concert de ses propres œuvres (et uniquement elles), la critique n’y allait pas parce que ce soir-là, le grand Paganini jouait le prestidigitateur des sons et que n’est-ce pas il y a des hiérarchies de valeurs…Franz-pas-de-chance, en somme ?

Un voyage du temps et de l’hiver

Peut-être mais nous sommes là, début XXIe, solidement accrochés aux partitions jadis les plus incompréhensibles : car ce que nous tenons pour l’ultime massif du sublime et de l’évidence, le cycle du Winterreise (Voyage d’hiver, sur des poèmes de Müller), effraya jusqu’aux amis mêmes de Schubert. Par sa dureté, son épure tragique, son errance hallucinée, son désespoir à la fin duquel on n’entend plus que tourner sans fin la manivelle du joueur de vielle. A Grenoble, ce sera Stephan Genz, un baryton disciple de Dietrich Fischer-Dieskau, avec le pianiste Eric Schneider, qui a les mêmes références stylistiques. Qui, avant le milieu du XXe, osait proposer en concerts ne fût-ce qu’une partie des 22 sonates pour piano de Franz, sur lesquelles les 32 beethovéniennes semblaient faire une ombre totalement excluante ? Sur les traces lointaines d’un Artur Schnabel, Eric Ferrand N’Kaoua (un Grenoblois lancé dans une belle carrière internationale mais qui n’oublie pas sa cité) offre de parcourir le monde à nul autre pareil de la dernière sonate D.960, qui invente une conception du Temps, de la mémoire et des mondes affectifs. Et y joint deux des Impromptus de la 1ère série (op.90 comme on disait naguère), ceux-là toujours beaucoup joués. Et l’unique Quintette à cordes D.956, un autre monde à soi tout seul, frissons et tendresse abandonnée : le voici par le Quatuor Manfred (un beau nom pour célébrer le romantisme, le 1er violon est celui de Marie Béreau, longtemps super-soliste à l’Ensemble Instrumental de la ville) et le grand et jeune violoncelliste Marc Coppey, salué par Menuhin et Rostropovitch.

Mots, notes et leçons

Les deux Trios appartiennent aussi à l’essentiel, et chacun son visage : plus souriant dans l’op.99 (Philippe Coutelen, Florian Lauridon, Gabrielle Torma, qui jouent aussi « l’arpeggione » (cet instrument disparu, aujourd’hui remplacé par le violoncelle) et la Fantaisie violon-piano D.934, un duo souvent minimisé mais de couleur si authentiquement schubertienne. Et plus tendu, un voyage souverain dans les labyrinthes de tous ordres et désordres, l’op.100 , par les Athéna, des rhône-alpins dont le violoncelliste Frédéric Bouaniche trouva naguère le nom d’Oreille en fête pour réunir ses amis et son public. Deux Grenoblois, nés natifs ou enseignants, les pianistes Sandra Chamoux et Jean-François Cholé, dans l’une des œuvres les plus déchirantes de l’histoire musicale, la Fantaisie en fa pour quatre-mains. Tous ces interprètes qui ont participé au devenir de Musée en musique sont parfaitement à leur place en cet esprit de schubertiade, pour des retrouvailles sous le signe de l’amitié.
L’une des conférencières habituelles, l’enseignante grenobloise en histoire de la musique Bernadette Lespinard, présentera « des mots et des notes ». Jean-François Zygel viendra donner en ouverture sa leçon de musique, désormais must-grand-public dont le ton familier et distancié à la fois permettra de silhouetter celui des schubertiades d’autrefois. Dans l’état actuel des annonces, on ne voit guère qu’une absente, la peinture, dont pourtant des échos dans le paysage romantique, montagnard ou portraitiste du corps et de l’âme – époque romantique et aussi moderne ou contemporaine, et même si un K.D.Friedrich ne se trouve, dirait Molière, sous le pas d’un cheval -, doivent bien s’entendre entre les murs du musée et au-delà de leurs vitrages. A suivre, ou alors composez votre parcours guidé par l’imagination en quête d’auteurs ?

Musée en musique. Tél.: 04 76 87 77 31 ou www.musee-en-musique.com

Illustrations

Portraits de Franz Schubert (DR)

Derniers articles

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img