vendredi 25 avril 2025

Sofya Gulyak, piano. Récital Bach, Busoni, Chopin… Lyon, Association Chopin. Jeudi 5 février 2009 à 20h30

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Sofya Gulyak
Piano


Lyon, association Chopin
Salle Molière
Jeudi 5 février 2009
à 20h30

Concert de la pianiste Sofya Gulyak pour l’Association Chopin de Lyon, jeudi 5 février 2009: Bach-Busoni, Chopin, Schumann, Liszt, Brahms. L’Association Chopin de Lyon se voue pour la 28e année à la mise en avant des jeunes talents pianistiques, souvent avant même leur éclosion de célébrité. Pour son 4e concert de la saison, elle invite la jeune Russe Sofya Gulyak dans un programme romantique où Chopin, nécessairement sublime, côtoie Schumann, Liszt et Brahms.


Pianistes sans frontières

Un concert de l’Association lyonnaise Chopin sans œuvre de Chopin au programme, il faudrait le signaler à une Haute Autorité de Régulation Franco-Polonaise. Mais vous perdriez votre zèle investigateur en listes chopiniennement correctes, et question listes, sans doute vaut-il mieux consulter celles des pianistes qui furent invités Salle Molière au début de leur célébrité « et de ce qui permit alors de les faire connaître dans la région » : Pierre-Laurent Aimard, Pascal Amoyel, Philippe Cassard, Claire Désert, Abdel Rahman El Bacha, Laure Favre-Kahn, François-Frédéric Guy, Marie-Josèphe Jude, Jean-Marc Luisada, Alain Planès, Roger Muraro, Muza Rubackyte, Emmanuel Strosser, Jean-Yves Thibaudet…C’est dire le rôle de cette «association, créée en 1980 par Renée Charrat, et étroitement liée à l’institution polonaise du même nom qui, à Varsovie, organise tous les cinq ans depuis 1927, le Concours International Frédéric Chopin » . L’Association lyonnaise, qui a rejoint the International Federation of Chopin Societies (UNESCO) veut continuer à « promouvoir les jeunes lauréats des concours internationaux, divulguer l’œuvre de Chopin et le répertoire pianistique en général, (sans oublier de) découvrir des œuvres contemporaines ». Programme rempli pour 2008-2009, avec 5 jeunes du sans-frontières : le Chinois Mu-Ye Wu, la Bulgare Plamena Mangova, l’helvéto-chinois Louis Schwizgebel-Wang, le Français François Dumont, et en ce présumé beau février, la Russe Sofya Gulyak.


Pièces Phantastiques et berceuses de la douleur

Le parcours de Sofya Gulyak est en tout cas impeccablement romantique. D’abord la Chaconne de Bach – celle tirée de la 2e Partita pour violon, et reformatée dans le sens d‘une réécriture solennelle par Busoni -, cheval de bataille des récitalistes qui font vérifier que Bach est leur Père-de-clavier à tous, on va vers Schumann (au fait, Robert ne disait-il pas que le Clavier Bien Tempéré est le pain quotidien du pianiste), et on sait gré à l’interprète russe de jouer les rares 6 Intermezzi de 1832, pages d’une jeunesse en construction et en découverte de ses pouvoirs du côté de la rupture et de l’inquiétante étrangeté. Le 2nd cite la Marguerite au Rouet de Schubert – Mein Ruh’ ist hin, mon repos s’est enfui – comme en autoportrait précoce de son inlassable quête -, le 3e un lied de 1828, le 5e ses Papillons et les masques jean-pauliens (J.P.Richter, l’un de ses doubles littéraires inspirateurs). L’ensemble ne devait-il pas s’appeler « Pièces Phantastiques » ? Cet opus 4, avec ses claudications, ses ruptures, ses ironies entrecoupées de tendresses (une dédicace à Clara, déjà) est bien jalon du compositeur sur sa route de « soul and work in progress »… A l’inverse, c’est un Brahms au bout du chemin qui s’exprime dans d’ultimes pièces pour piano, en particulier les Fantaisies op.116 que Johannes qualifie, avec les op.117 et 119, de « berceuses de ma douleur », mais qui sont aussi marques de la sérénité approchante. La mélancolie y est prégnante, un « vrai paysage de l’âme » ; dans les 3 premières de l’op.116 ici jouées, « des allures de marches, un déferlement de vagues, des élans contrariés rappellent l’ardeur adolescente, mais dominent (la 2e) un temps comme anesthésié, des octobres au bord de la Baltique ou des plaines côtières…Avant de quitter le monde, si beau et donc déchirant ».


Un cristal qui vient vous frapper au cœur

Quel contraste avec le monde flamboyant de la Rhapsodie Hongroise –ici, la 2e – que Liszt, auto-défini comme « Tzigane et Franciscain », allait chercher au fond de la culture non savante et si intuitive de l’inspiration populaire ! Au demeurant, ces Rhapsodies étaient bien moins hongroises que tziganes, la véritable Hongrie du chant de la danse populaires restant à redécouvrir, comme le feront Kodaly et Bartok. La Pologne de l’enfance et de l’adolescence ne paraissent pas, elles, même au titre d’un folklore imaginaire, dans la 2nde Sonate de Chopin, une œuvre de 1839 dont le disparate de la mise en cadre (Schumann parlait d’une « famille arbitraire composée de 4 de ses enfants les plus turbulents ») ne fait qu’assembler les concepts de Ballade, puis de Scherzo, de Méditation mortelle et de tourbillon… « Ce n’est plus de la musique, disait encore Schumann du finale, mais un certain génie impitoyable nous souffle au visage ». Ce moment quasi-atonal est fureur surgie d’on ne sait quel horizon, de façon « incompréhensible » après le lyrisme secret de la Marche Funèbre, devenue hymne des funérailles officielles, mais à propos de laquelle on préfère évoquer les « longs corbillards sans tambours ni musique » et « l’Angoisse, atroce, despotique » du Spleen baudelairien… Et par manque ou privation de plaisir, on peut pour cette prophétique 2e Sonate chercher l’écho de « ces longues phrases, au long col sinueux et démesuré, si libres, si tactiles » et, comme le dit un romancier du Temps, « leur retour plus prémédité, avec plus de précision, comme sur un cristal qui résonnerait jusqu’à faire crier, vous frapper au cœur ».

Sofya Gulyak, une Kazanoise de 30 ans qui a appris son métier de pianiste au pays natal, a également fréquenté les cours en Italie et en France, et a gagné nombre de récompenses internationales : concours William Kapell, Busoni, Marguerite Long, et Grand Prix Gubaidulina. Cette dernière mention d’une compositrice russe capitale nous reporte à l’un des versets du Credo « Associations Chopin », celui qui mentionne le « devoir de création contemporaine ». Après tout, Chopin, et Liszt, et Brahms furent des contemporains, en leur temps ! Et si les concerts de « Chopin » 2008-2009 ne s’aventurent guère au-delà de Ravel ou Scriabine – que les autres Associations organisatrices de concerts solistes leur jettent la première pierre, si elles ont assez bonne conscience en ce domaine ! -, c’est au public aussi de témoigner qu’il a le désir conjoint de Chopin et du bel aujourd’hui. On est certain que les bonnes fées tutélaires et organisatrices de l’Honorable Société – hier, Denise Montibert, maintenant Hélène Baligand- ne demandent que cela !

Concert de l’Association Chopin, Salle Molière, Lyon. Jeudi 5 février 2009, 20h30. Sofya Gulyak. J.S.Bach (1685-1750), Chaconne ; Chopin ( 1810-1849), 2e Sonate ; Schumann (1810-1856),Intermezzi op.4 ; Liszt (1811-1886), 2e Rhapsodie Hongroise; Brahms (1833-1897), Fantaisies op.116. Renseignements, reservation : T. 04 72 71 81 93 ; www.chopin-lyon.com

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