mercredi 23 avril 2025

Stockholm. Konserthuset, 5 juin 2009. Debussy : La Mer, Gustav Mahler : Le chant de la terre, Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm, Jane Irwin, Torsten Kerl,. Sakari Oramo, direction.

A lire aussi

Classe finnoise en Suède

Violoniste de formation, Sakari Oramo intègre à 24 ans la fameuse classe de direction d’orchestre de l’Académie Sibelius dirigée par Jorme Panula. Il devient celèbre 4 ans plus tard en remplaçant au pied levé un chef souffrant pour un programme avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Finlandaise. Peu présent en France (sa dernière apparition remonte à 2003 avec l’Orchestre de Paris), il fait l’essentiel de sa carrière en Europe du Nord et en Allemagne ou il est notamment l’invité régulier de l’orchestre philharmonique de Berlin. Il a succédé en 1998 à Simon Rattle à la tête du « City Birmingham Symphony Orchestra » et occupe depuis 2008, date de son départ de Birmingham, les fonctions de principal chef invité. Il a été l’un des acteurs d’un ambitieux projet de diffusion de la musique symphonique à l’école visant à permettre à tous les écoliers britanniques d’assister gratuitement à des concerts symphoniques. Tout en étant depuis 2003 en charge des destinées de l’Orchestre Symphonique de la Radio Finlandaise, il a été nommé en 2008 chef de l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm.


Chant de la Mer et de la Terre

Les suédois ont décidément de la chance puisque un certain Gustavo Dudamel est depuis 2007 directeur de l’Orchestre Symphonique de Göteborg. Au programme de ce concert du 5 juin dernier, « La Mer » de Debussy et « Le Chant de la terre » de Mahler. Au delà du tentant rapprochement des éléments naturels, cette programmation intelligente qui associe 2 œuvres majeures presque contemporaines du début du XX° siècle mais aux esthétiques radicalement différentes, se révèle passionnante non seulement d’un point de vue théorique mais aussi et surtout du point de vue musical. Un tel programme permet également de mettre en évidence l’immensité et la variété du talent de Sakari Oramo et de ses musiciens. « La Mer » de Debussy, une œuvre de 1905, sonne ici merveilleusement juste dans un séduisant mélange de précision et de liberté stimulant les infinis dialogues inhérents à cette toujours étonnante musique. Sakari Oramo certainement familier de cette musique et de la culture française (il parle un français remarquable) dirige par cœur mais la partition modestement posée sur le pupitre avec une gestique dynamique et souple à la fois, suggérant à chaque seconde nuances, enchaînements, ruptures et contrastes. En un mot il restitue à ses musiciens et donc au public l’exact esprit de l’œuvre. Dans cette belle salle rectangulaire incomplètement remplie ce soir là, l’Orchestre Philharmonique Royal sonne superbement avec un évident plaisir collectif de jouer. Les cordes, sans atteindre le niveau des orchestres allemands, sont d’une grande beauté, notamment les violoncelles et les contrebasses très présents et qui ronflent avec suavité, l’harmonie est d’une légèreté et d’une transparence toute debussyste et les cuivres soutiennent le propos sans jamais l’alourdir ou masquer la richesse des autres timbres et les rythmes de l’œuvre. Dans le final, l’exposition du thème aux bois est tout simplement miraculeuse et la progression vers la tenue finale des cuivres en trilles et presque vibrée comme le coup de timbale terminal sont tout simplement jubilatoires. Avec cette lecture intense et passionnée, Oramo rejoint les interprètes majeurs de « La Mer », Toscanini, Munch, Haitink, Abbado et Gergiev.

En seconde partie, Sakari Oramo déchaîne les éléments du « Chant de la Terre« , une œuvre écrite en 1908 mais qui ne sera créée par l’ami Bruno Walter qu’après la disparition du compositeur. Cette œuvre sombre est notamment le reflet de la période noire que traverse Mahler car au décès de sa fille s’ajoutent des problèmes cardiaques tout juste diagnostiqués et son congé récemment donné de la direction de l’Opéra de Vienne (1907). Sakari Oramo déchaîne tellement ces éléments que dans le premier lied il en oublierait presque Torsten Kerl, ténor suédois pourtant doté d’une belle, juste et puissante voix. Dans la suite de l’œuvre, les équilibres entre les voix et l’orchestre se font sans difficulté. Jane Irwin à la lourde tâche de chanter la partie de contralto. Elle semble gênée par un tract palpable étonnant chez une chanteuse expérimentée. Ses limites vocales dans l’aigu où la justesse n’est plus tout à fait au rendez-vous rendent sans doute compte de cette crispation dans une partition si difficile. Elle peine même à rendre hors du temps les « ewig » de l’extraordinaire « Abscheid » final curieusement embarrassée à tourner les ultimes pages de sa partition.

Malgré ces réserves mineures, un magnifique concert montrant l’immense talent de Sakari Oramo qu’on aimerait voir plus souvent en France et le très haut niveau de qualité de l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm bien supérieur à celui des ensembles symphoniques parisiens. Mais grands chefs et bons orchestres vont bien ensemble. L’Europe du Nord a décidément d’immenses ressources musicales. A noter que lors d’un festival Mahler prévu en mars 2010 à Stockholm c’est la version orchestrée par Schoenberg et Webern du « Chant de la terre » qui sera donnée. Car aux talents des interprètes s’ajoute une programmation intelligente. Décidément on est loin de la France…

Stockholm. Stockholms Konserthus, 5 juin 2009. Debussy, « La Mer ». Gustav Mahler, « Le chant de la terre ». Jane Irwin, Torsten Kerl, Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm, Jane Irwin, soprano. Torsten Kerl, ténor. Sakari Oramo, direction.


Vidéo


Visionner une répétition d’orchestre dirigée par Sakari Oramo (Gruppen de Stockauhsen, pour les 50 ans de la création et la création finnoise de l’oeuvre. Avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Finlandaise):

Evasion à Helsinki: Sakari Oramo et le Finnish Radio Orchestra
Les deux orchestres locaux: le
Helsinki Philharmonic Orchestra (relation avec Sibelius et le label
Ondine), le Finnish Radio symphony orchestra (entretien avec Sakari
Oramo, chef principal de l’Orchestre de la Radio Finlandaise). Concert
de la création finnoise de Gruppen de Stockhausen (10 octobre 2008,
à Helsinki, maison de la culture) …

Illustration: Sakari Oramo © A.Burrows

Derniers articles

CRITIQUE, concert. CARACAS, Sala Simon Bolivar, Sistema, Dimanche 13 avril 2025. Orchestre Baroque Simon Bolivar, Bruno Procopio

Dimanche 13 avril 2025, dans la grande Sala Simón Bolívar du Centro Nacional de Acción Social por la Música...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img