France Musique, jeudi 12 juin 2014, 20h. Symphonie Alpestre de Strauss. Direct événement sur France Musique. La chaîne radiophonique nous offre l’écoute du dernier grand poème symphonique de Richard Strauss, Une Symphonie Alpestre (Eine Alpen Symphonie), achevée en 1915 alors que déjà reconnu et célèbre comme chef et compositeur (photo ci-contre comme chef d’orchestre au moment de la création de la Symphonie alpestre en octobre 1915), le musicien, passionné de randonnées et d’excursions en montagne, résidait aux pieds du massif alpestre dans sa maison bavaroise de Garmish, non loin de Munich, sa ville natale.
Un opéra des cimes
A 51 ans, Richard Strauss possède idéalement la maîtrise de l’écriture symphonique et de l’instrumentation en grand format: pas moins de 120 instrumentistes, ceux de l’orchestre de la Hoffkapelle de Dresde, pour mener à bien la création de son oeuvre gigantesque, le 28 octobre 1915. A contrario de l’atonalisme moderniste de Schoenberg et de ses disciples, dans le contexte d’éclatement politique et de guerre qui traverse toute l’Europe, Strauss demeure résolument tonal dans un cycle d’un foisonnement formel inédit et sur le plan poétique et architectural, d’une indiscutable unité. Les critiques ont, fidèles à leur tempérament pointilleux, attaquer l’oeuvre sur son côté monumental, sa verve naïve, plus descriptive que spirituelle. Or rien n’est plus faux: Strauss avait souhaité dans un premier temps intitulé sa Symphonie alpestre: « l’Antéchrist », par référence à Nietszche dont il partageait les idées quant à la religion et à la nécessité qui s’impose à l’homme dans le dépassement de sa condition par l’esprit de travail et l’admiration dans la nature miraculeuse

Sur le plan de l’écriture, il repousse très loin les possibilités expressives et formelles du cadre symphonique. Le documentaire outre une courte évocation de sa vie (né à Munich, le 11 mai 1864), évoquant les relations personnelles de l’artiste créateur avec le motif naturel en particulier la montagne (sa résidence de Garmisch donne sur le sommet de la Zugspitze, véritable condensé de la grandeur des cimes alpines), s’intéresse aux procédés de la plume, tableau par tableau. »Tout programme poétique, écrit Strauss, est une patère sur laquelle j’accroche le développement musical de mes sentiments. Toute autre chose serait un péché contre l’esprit de la musique« . Il s’agit donc d’une réitération personnelle où le filtre subjectif a toute sa place. Voilà pourquoi les ommentateurs en parlant uniquement de musique à programme, descriptive et narrative, se trompent totalement.
Strauss construit le plus bel hommage face à la réalisation miraculeuse de la nature: il ne cherche pas Dieu, il témoigne de la grandeur vertigineuse de sa réalisation.Le commentaire resserré, analyse les points essentiels de l’écriture straussienne, en suivant étape par étape (22 sous-titres sont insérés par Strauss pour « éclairer » chaque épisode de la Symphonie), le cheminement de l’alpiniste pendant sa journée de randonnée sur le massif alpestre: ascension, excursion, sommet, puis descente. Tout le cycle des 4 mouvements, débute par la nuit (évocation sombre voire lugubre, très impressionnante d’où jaillit la montagne, grandiose et colossale vision) puis s’achève dans l’évocation de la même nuit. Les options expressives de Strauss empruntent beaucoup à l’opéra: machine à orage, boîte à tonnerre, fanfare éloignée (pour évoquer en une distanciation sonore étagée dans l’espace, la forêt ample et profonde qui s’offre au randonneur), caractérisation mélodique des « personnages » dont le « héros »: l’alpiniste.
Oeuvre personnelle, démonstration de ses aptitudes à traiter la grande forme, mais aussi expérimentation de nouvelles combinaisons sonores pour l’orchestre « classique » (certes adapté dans un cadre colossal), Une Symphonie Alpestre apporte au moment où l’Europe de 1915 connaît la guerre et l’émergence brutale des modernismes, une illustration éblouissante de l’écriture symphonique portée à ses extrêmes expressifs. Strauss ne retrouvera guère un tel orchestre qu’avec La Femme sans ombre dont la gravité des couleurs, et l’expression du gouffre tragique sombrent dans la noirceur à hauteur d’homme (quant Une Symphonie alpestre exalte l’élévation et la céleste et transcendante vision depuis les cimes), après le choc de la première guerre mondiale.France Musique. jeudi 12 juin 2014 à 20h. Concert diffusé en direct du TCE à Paris
Richard Strauss
Extraits d’Intermezzo
Eine Alpensinfonie op 64
Richard Wagner : Wesendonck lieder
Christianne Stotijn, mezzo soprano
Orchestre national de France
Direction : Semyon Bychkov
Illustrations: Richard Strauss (DR)