mardi 22 avril 2025

Stravinsky : Centenaire du Sacre du printemps 1913 – 2013Mezzo, les 3, 9, 17, 24 et 31 mai 2013

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Centenaire du Sacre


sur Mezzo

Spécial Sacre du printemps de Stravinsky
5 soirées spéciales pour 5 Sacres
(Nijinsky, Béjart, Delente, Scholz, Galotta)

En mai, Mezzo souffle les 100 ans du ballet le plus scandaleux de l’histoire de la danse : le Sacre du Printemps de Stravinsky créé à Paris le 29 mai 1913.

29 mai 1913 : création au Théâtre des Champs-Elysées du Sacre du printemps par les Ballets Russes, musique de Stravinsky, chorégraphie de Nijinski, direction Pierre Monteux – l’histoire de la musique et de la danse accomplissait un saut sans précédent.
Le lendemain, Emile Vuillermoz écrira : « On n’analyse pas Le Sacre du Printemps : on le subit, avec horreur ou volupté, selon son tempérament. Toutes les femmes n’accueillent pas de la même façon les derniers outrages. La musique, généralement, les accepte sans déplaisir. » Mais le soir même, la salle a montré, et bruyamment, toute sa désapprobation, érigeant la création en scandale historique.
L’œuvre, aujourd’hui considérée comme l’une des plus importantes du 20ème siècle, utilisée même par Walt Disney dans Fantasia, est une source d’inspiration infinie pour les plus grands chorégraphes.
Nijinski, Gallotta, Béjart, Scholz, Delente… entre spectacles et documentaires Mezzo dédie le mois de mai à leurs chorégraphies inspirées par Le Sacre du Printemps, parallèlement aux célébrations au Théâtre des Champs-Elysées.

En mai 2013, Mezzo fête très honorablement le centenaire du Sacre du Printemps de Stravinsky/. Du 3 au 31 mai, 5 soirées spéciales dévoilent et le ballet originel et l’écriture moderniste visionnaire de Nijinsky pour la création parisienne de mai 1913, et les chorégraphes du XXè qui après lui, ont renouvelé le ballet du Sacre en apportant à chaque fois, un style résolument novateur. Serait ce que la musique de Stravinsky soit bien le creuset d’une modernité atemporelle, et comme un défi toujours à relever, la source d’inspiration majeure des grands chorégraphes de notre temps ?

Mezzo
Centenaire du Sacre du printemps
Les écritures chorégraphiques qui ont compté
Les 3, 9, 17, 24 et 31 mai 2013
5 soirées spéciales  » Sacre du printemps de Stravinsky
« 


Vendredi 3 mai 2013, 20h30


Le Sacre du printemps


Chorégraphie de Nijinsky (mai 1913)


Vaslav Nijinsky est« celui par qui le scandale arrive ». Chorégraphe du Sacre, il a ici ouvert la voie à la danse contemporaine. Oubliée, la chorégraphie originale de Nijinsky a pu être reconstituée grâce au travailacharné de Millicent Hodson. Après quinze années de recherches, elle est parvenue, avec l’aide notamment de Marie Rambert, qui avait été l’assistante de Nijinski, à recomposer le Sacre des origines dans la gestuelle originelle. La re-création de cette chorégraphie est ici menée jusque dans les costumes par la compagnie-même qui lui avait donné naissance (« Les Ballets Russes» était l’autre nom des danseurs du Mariinsky lors de leurs tournées en France) et dirigée par Valery Gergiev.


20h40
Le Sacre du Printemps
reconstitution de la chorégraphie de Nijinsky par Millicent Hodson
Ballet du Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg Orchestre du Mariinsky, Valery Gergiev
Enregistré au Théâtre Mariinsky en 2008.
Réalisé par Denis Caïozzi– Durée : 43mn

Notre avis. Gergiev s’est attaché avec ses équipes du
Mariinsky à retrouver la force originelle su Sacre du printemps dans son
dispositif visuel et chorégraphique de 1913 : la reconstitution réalise
les costumes, les décors et surtout les gestuelles d’époque, alors
inspirées pas la statuaire antique du Louvre et aussi le décor des vases
grecs, rouges et noirs. Paumes des mains tendues et tournées vers la
salle, poings levés, pieds en dedans, figures saccadées, sauts
hystériques… la chorégraphie sert étroitement les convulsions barbares
de la musique jusqu’au sacrifice final, exprimé par la danseuse solo,
en une série de transes exigeant sauts et tremblements. Avouons notre
préférence pour la seconde partie (Le Sacrifice): l’atmosphère
crépusculaire permise par le décor nocturne, la ronde mystérieuse des
adolescentes, toutes tétanisées par une terreur sourde et silencieuse,
mais très présente dans leurs corps trépidants d’impuissance, ajoute
indiscutablement à la magie du spectacle. Reste que la direction de
Gergiev manque de finesse, plus féline et éruptive que vraiment ciselée,
a contrario de celle magnifiquement instrumentale de l’orchestre Les
Siècles dirigé par François-Xavier Roth, défenseur en 2013 d’une version
historique, avec les instruments parisiens de 1913… On rêve demain de
voir ce ballet Nijinksy avec un tel orchestre ! Après tout, il faut
aujourd’hui aller jusqu’au bout du retour à la source avec costumes,
ballets et orchestre de 1913. La réalisation est assez indigente surtout au début quand l’orchestre joue seul : les plans sur les instruments rois se font rare, y compris dans l’introduction de la seconde partie où l’on s’impatiente à ne devoir contempler que la gestuelle du chef…

à 21h25
Prélude à l’après midi d’un faune
Ballet« Les Saisons Russes » (ballet du Théâtre du Kremlin), Nikolaï Tsiskaridzé. Enregistré en 2009.
Réalisé par Laurent Gentot– Durée : 20mn

à 21h50
L’Oiseau de feu
Ilya Kuznetsov (Ivan Tsarevich), Marianna Pavlova (la princesse), Vladimir Ponomarev (Kachtchei), Ekaterina Kondaurova (l’Oiseau), Ballet du Mariinsky Orchestre du Mariinsky, Valery Gergiev.
Enregistré au Théâtre Mariinsky en 2008. Réalisé par Denis Caïozzi. Durée :51mn

à 22h45
Sheherazade
Chorégraphie de Michel Fokine
Farukh Ruzimatov, Corps de ballet du Théâtre Mikhaïlovsky. Enregistré au Théâtre Mikhaïlovsky en 2009. Réalisé par Laurent Gentot– Durée :26mn


Jeudi 9 mai 2013, 20h30

Soirée Béjart : le  » Sacre du sexe « 

Après le choc de la création, il faudra attendre de nom breuses années avant de voir une nouvelle chorégraphie marquante conçue à partir du chef d’oeuvre de Stravninsky et Nijinsky. C’est sans doute Béjart qui, en 1959, est le premier à proposer une relecture mémorable (en dépit des critiques de Stravinsky toujours aiguisé et sceptique vis à vis du ballet associé à sa souveraine musique), en déplaçant le discours vers une rencontre du masculin et du féminin. La soirée, présentée par Gil Roman, directeur du Béjart Ballet, culmine dans un Sacre donné l’année dernière par le Béjart Ballet et complétée par d’autres chorégraphies du maître et de son fils spirituel. Introduction par Gil Roman à 20h30 (durée : 10mn)

à 20h40

Le Sacre du printemps version Béjart
Chorégraphie de Maurice Béjart
Ballet de Lausanne, Gil Roman Enregistré au Théâtre Stadsschouwburg d’Anvers en 2012. Réalisé par Arantxa Aguirre. Durée:45mn

Notre avis. Suite du cycle des 5 soirées que Mezzo dédie au Sacre du printemps à l’occasion du Centenaire de la création parisienne du ballet le 29 mai 1913. Erotisme et sensualité caractérisent l’écriture de Béjart dans ce ballet, filmé (magnifiquement) en 2012 par le Ballet de Lausanne.

Notre avis. La première partie (Danse de la terre) ne concerne que les hommes : éveil des corps, du bleu lunaire au rouge sang ; peu à peu les corps s’électrisent comme de jeunes faunes aux aguets : bouddhas méditants assis puis silhouettes de félins prêts à bondir (entrée des cordes). La vision est claire: tous ces corps qui s’animent semblent récapituler le cycle de croissance des espèces, mais c’est un éveil bientôt militaire (en résonance avec les déflagrations de la partition de Stravinsky qui fait fait entendre les détonations de la guerre à venir…?) : de la pose fœtale à la marche conquérante, l’instinct animal qui prévaut ici porte bientôt tout le groupe tel une armée qui se lève. Parmi les hommes, l’un deux se détache, exclu, désespéré. Il assiste au départ de tous attirés par une source de lumière : tableau magnifique et terrifiant des jeunes soldats partant au front…
La seconde partie (Le Sacrifice) fait surgir le groupe des femmes : toutes s’apprêtent en une célébration de la « princesse » ; Béjart y précise la ronde à la fois noble et mystérieuse des danseuses, auxquelles soudainement se joignent les jeunes hommes comme des rivaux qui les assiègent. L’unicité de l’Elue rejaillit en un solo d’une sensualité souple telle la danse de la méduse en son élément liquide… Tout se résolve dans la danse sacrale quand les couples se formant et l’élu masculin se joignant à la princesse, l’action est aspirée vers une explosion collective. Béjart a bien compris le crescendo final conçu par Stravinsky. C’est la fusion du couple qui libère la tension accumulée : architecte des masses, mais aussi veillant à la structure du ballet construit sur une confrontation puis une rencontre, Béjart réserve le plus beau tableau pour la fin : jouissance collective et célébration de l’union des corps (un épisode abondamment repris par les photographes). Rien de sexuel ici comme on a pu l’écrire mais une construction très subtile et formellement séduisante qui glorifie l’effusion et l’accord des corps.

à 21h35

Cantate 51
chorégraphie de Maurice Béjart
Béjart Ballet de Lausanne – Musique : Jean-Sébastien Bach (enregistrée par Maurice André, trompette), Teresa Stich Randall (soprano), Orchestre de Chambre de la Sarre, Karl Ristenpart) Enregistré au Théâtre Stadsschouwburg d’Anvers en 2012. Réalisé par Arantxa Aguirre. Durée : 20mn

à 22h

Aria
Béjart Ballet de Lausanne. Musiques: Jean-Sébastien Bach, Nine Inch Nails, Melponem, chants inuits… Enregistré au Théâtre de Beaulieu en 2009. Réalisé par Sonia Paramo. Durée : 46mn.

à 22h50

Syncope
Chorégraphie de Gil Roman
Béjart Ballet de Lausanne Enregistré au Théâtre Stadsschouwburg d’Anvers en 2012. Réalisé par Arantxa Aguirre. Durée : 29mn


Vendredi 17 mai, 20h30


Soirée Maryse Delente: Sacre au féminin


Laissons la parole à la chorégraphe : « Danser le Sacre reste un des moments extraordinaires de ma carrière d’interprète. Le désir de faire ressentir ces frissons aux danseuses de ma compagnie a été plus fort que la crainte de montrer au public une nouvelle version, après celles de Nijinski, Mary Wigman, Béjart, Pina Bauch, Mats Ek… Laisser aller la musique et simplement s’imprégner de ces rythmes qui font écho aux pulsions de la vie, de ses passages, de ses rites, de ses « petites morts »… » La soirée est présentée par Maryse Delente et complétée par une autre de ses chorégraphies, Giselle ou le mensonge romantique, par ailleurs donnée au Théâtre national de Grenoble en mai. Introduction par Maryse Delente à 20h30(durée:10mn).

à 20h40
Le Sacre du printemps
Chorégraphie de Maryse Delente.
Inédit. Compagnie Maryse Delente
Enregistré en 1993. Réalisé par Charles Picq. Durée:40 mn

Notre avis. Maryse Delente a bien du talent : réussir un
nouveau ballet du Sacre ici réalisé uniquement par des femmes n’était
pas un défi immédiatement relevé. Pourtant, la force et la violence de
son écriture offre une nouvelle vision captivante du mythe légué par
Stravinsky et Nijinsky. Ce pourrait être dans une vaste salle d’un
château médiéval où sont réunies autant de prétendantes au trône (toutes
de rouge vêtues)… sous le regard paternel d’un dignitaire mûr, qui
reste immobile tout au long du ballet, les figures candidates à sa
succession se confrontent, s’affrontent avant que l’une d’entre elles ne
se détâche du groupe et ne s’affirme avant de se précipiter jusqu’au
néant, en un raccourci final inattendu mais finalement logique… la
course au pouvoir ne rend-t-elle pas fou/folle jusqu’à l’anéantissement ?
Outre la beauté animale et féline des danseuses, le film reste aussi
une prouesse vidéo, tournée à une seule caméra… laquelle suit sans
faillir l’évolution des corps dansants, sans perdre les solos marquants
ni la gestuelle des groupes sur la scène… Du grand art.



à 21h35
Giselle ou le mensonge romantique
Chorégraphie de Maryse Delente
Inédit. Compagnie Maryse Delente
Enregistréen1995. Réalisé par Charles Picq. Durée:1h


Vendredi 24 mai, 20h30


Soirée Uwe Scholz : Sacre de mort


Uwe Scholz attendra longtemps (pour lui qui parvint si vite aux sommets de la danse) avant de chorégraphier son Sacre. Ce ne sera en fait pas un mais deux Sacres– un Sacre« de chambre » pour un danseur et deux pianos ; et un Sacre« symphonique » pour sa troupe de Leipzig – et surtout, plus que pour aucun autre chorégraphe sans doute, ce sera son Sacre, y incluant des éléments autobiographiques, jusqu’à y prophétiser sa propre mort qui survient un an après avoir achevé le cycle. La soirée est présentée par Rémy Fichet, l’un des danseurs fétiches de Scholz et dévoile aussi en complément, une autre grande chorégraphie « symphonique » (sa  » Great Mass  » d’après les musiques de Mozart, Kurtág et Pärt).
Introduction par Rémy Fichet à 20h30 (durée : 10mn)


à 20h40
Le Sacre du printemps
Chorégraphie de Uwe Scholz
Giovanni di Palma, Kiyoko Kimura, Ballet de Leipzig, Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, Henrik Schaeffer. Enregistré à Leipzig en 2007. Réalisé par Günter Atteln. Durée:40mn.

Notre avis. Uwe Scholz écrit sa version du Sacre pour l’ensemble des danseurs du Ballet de Leipzig : le nombre s’impose d’abord (près de 80 acteurs), dès le premier tableau tous les corps sont présents et occupent la scène. Comme Béjart, Scholz aime sculpter les masses mais il va plus loin encore et joue sur les groupes, les alignements multiples, les réponses collectives par ensembles… Ici, constellée de faits autobiographiques, la chorégraphie exalte l’énergie des tableaux, plus confrontations et affrontements que fusions harmoniques. L’Elue ne tarde pas à se distinguer du collectif : elle symbolise la pensée du chorégraphe. Vécue comme une malédiction, la différence génère l’exclusion. Alors que les couples divers se forment et se répondent (parfois enchaînés de façon hystériques), l’Elue s’écarte et des images convulsives, en transe font basculer la danse finale de la première partie en un cauchemar collectif.
Dans la seconde partie, les choses se radicalisent. La confrontation des hommes et des femmes pendant l’introduction devient scènes d’humiliation, de torture, de viol à peine caché… (quand un homme traverse la scène avec le corps inanimé d’une femme, sa victime atomisée? )… Scholz atteint un sommet de terreur chorégraphiée, de violence presque insoutenable. La figure du père est-elle visée ? Un être abject qui violente les corps, victimise les femmes avec une barbarie insoutenable. L’Elue n’évite pas le règne de la cruauté : elle est elle-même l’objet de blessures et d’humiliations par un groupe d’hommes qui la suspendent chacun en prenant l’un de ses membres (bras et jambes) : c’est une roue inhumaine qui investit alors l’espace du plateau.
De la violence à la folie, il n’y a qu’un pas et l’Elue, après un solo qui occupe pratiquement toute la danse sacrale (finale, quand tous les autres chorégraphes jouent ici sur l’importance des effectifs et le tumulte échevelé des corps en perdition ou en transe), finit seule, folle, abandonnée, dans une nuit infernale, suspendue morte, comme un cadavre sur le crochet d’un boucher. Témoin et comme vaincu par l’horreur et la terreur, Scholz nous laisse une oeuvre testamentaire et visionnaire qui n’en finit pas d’interroger l’inhumanité ordinaire des hommes. Saisissant. (Dommage que la réalisation visuelle ne soit pas aussi soignée que celle du Sacre version Béjart).


à 21h30
Great Mass
Chorégraphie de Uwe Scholz

Christoph Bohm, Mariana Dias, Rémy Fichet, Michael Goldhahn, Kyoko Kimura, Sven Kohler, Oksana Kulchytska, Montserrat Leon, Giovanni di Palma, Gabor Zsitva, Ballet de Leipzig. Eun Yee You, Marie-Claude Chappuis (sopranos), Werner Güra (ténor), Friedemann Röhlig (basse), Orchestre et Chœ ur du Gewandhaus de Leipzig, Enregistré à Leipzig en 2005. Réalisé par Hans Hulscher. Durée:2h10



Vendredi 31 mai à 20h30


Soirée Jean-Claude Gallota

Le Sacre du Printemps de Jean-Claude Gallotta est gravé au compas sur un pupitre d’écolier. Le futur chorégraphe entend l’œuvre pour la première fois sur un vieux tourne disque. Assoupi sur son banc en bois, il «s’enrêve» aussitôt, dit-il aujourd’hui. Ces souvenirs ont présidé à un Sacre d’après cette première version de l’œuvre, rude, sans affèteries, sans brillance superflue et décorative, dirigée et enregistrée par Igor Stravinsky lui-même. Pas d’anecdote, pas d’intrigue.
Jean-Claude Gallotta ajoute : pas d’Élue, ou du moins pas d’Élue unique, glorifiée puis sacrifiée. Chaque interprète féminine est « éligible », tour à tour, pour rétorquer à«l’obscur pouvoir discrétionnaire» des dieux. Du rituel défendu par les augures et les Sages, Jean-Claude Gallotta a également retenu le double sens étymologique de « relier» et de « se recueillir». Il s’agit bien pour lui de se recueillir, comme à genoux, sur les marches de l’autel … Introduction par Jean-Claude Gallotta à 20h30 (durée : 10mn)

Notre avis. Le Sacre de Galotta : une transe en jeans et slips. Fidèle à son approche des oeuvres, en particulier du répertoire, le chorégraphe reprend à son compte le Sacre de Stravinsky avec force  » explications  » : le moi démiurgique prend même la parole, il commente son rapport à l’oeuvre de 1913 et comment il l’a envisagé : découverte du maître Igor qu’il a voulu immédiatement tutoyé ; assimilation de l’Elue du sacre avec sa danseuse fétiche et emblématique Marilou… Tout cela produit une mythologie personnelle qui en agacera plus d’un ou fortifiera l’admiration des autres pour le travail du chorégraphe. Galotta souligne chez Stravinsky la peur du piano et la volonté de tuer le père, le jaillissement viscéral et vital de l’écriture musicale, la rencontre avec son égal/rival : Diaghilev auprès duquel il repose dans le cimetière de Venise, proximité et côte-à-côte à jamais fixé comme s’il s’agissait même après la mort de lutter et d’en découdre avec celui qui s’interpose entre l’acte d’écrire et moi…
Le ballet ici enregistré à Chaillot en 2012, est filmé en plans rapprochés, détaillant gestes et visages (un  » plus  » très appréciable). Après avoir détaillé sans vraiment les développer, les éléments d’introduction au ballet proprement dit (soit 15mn de préalable intitulé  » 1. Tumulte  » puis,  » 2. Pour Igor « ), Galotta met en scène ses danseurs acteurs d’abord habillés en costumes modernes, avec jeans et lunettes pour certains…
Le point fort du ballet est d’enrichir la violence sonore et physique de la partition d’une très subtile sauvagerie psychologique : le final de la première partie (danse de la terre qui est un premier assaut collectif totalement hystérique), précédé d’une scène de viol (avec cris et essoufflement de la victime féminine), apparaît ici comme une résonance de ce traumatisme primitif : les spasmes partagés par tous les danseurs étant des signes pathologiques de ce trauma indépassable… c’est très fort et d’un impact indiscutable ; puis, l’introduction de la seconde partie (Le Sacrifice) atteint un sommet de dépouillement intimiste, pas de deux, ou plutôt rituel de résurrection réalisé autour du cadavre exposé de la femme inanimée par un homme au geste millimétré, d’une profondeur pudique transcendante… voilà dans cet enchaînement, le sommet du ballet.
Ensuite le fil se perd, et l’on recherche en vain ce que devient la victime dans une série de tableaux de plus en plus agités et convulsifs. Les anti regretteront ces corps en slips et culottes, lingeries dépareillées (!)… Pour notre part, il s’agit outre les deux moments ci dessus cités, d’une chorégraphie inachevée qui aurait gagné à approfondir ses promesses… Plus globalement, même si l’on comprend le travail sur le geste expressif, d’essence plus théâtral que chorégraphique, l’écriture même de Galotta n’atteint jamais l’ampleur lyrique du mouvement que l’on serait en droit d’espérer et de voir : son esthétique se recentre sur des gestes et des poses jamais vraiment déployés ; absence de lignes claires, de respirations, de glissements suspendus… d’où la sensation régulière d’esquisses gestuelles jamais vraiment développer ni pleinement réalisées. Restent les deux épisodes distingués précédemment : ils valent amplement d’être vus et appréciés.

à 20h40
Le Sacre du Printemps
Chorégraphie Jean-Claude Gallota
Alexane Albert, Matthieu Barbin, Agnès Canova, Ximena Figueroa,Ibrahim Guétissi, Mathieu Heyraud, Georgia Ives, Cécile Renard, Gaetano Vaccaro, Thierry Verger, Stéphane Vitrano, Béatrice Warrand, Thalia Ziliotis. Enregistré au Théâtre national de Chaillot en 2012. Réalisé par Jean-Marc Birraux. Durée : 37mn.


à 21h30
Cher Ulysse
Chorégraphie de Jean-Claude Gallota
Françoise BalGoetz, Xiména Figueroa, Marie Fonte, Mathieu Heyraud, Benjamin Houal, Yannick Hugron, Ibrahim Guétissi, Simon Nemeth, Cécile Renard, Thierry Verger, Loriane Wagner, BéatriceWarrand et Jean-Claude Gallotta. Enregistré en 2007. Réalisé par Jean-Marc Birraux. Durée : 1h10

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