mardi 22 avril 2025

Stravinsky: L’Oiseau de feu (Roth, 2010)1 cd Musicales Actes Sud

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François-Xavier Roth nous rappelle
opportunément que les couleurs et la sonorité de l’orchestre des Ballets
Russes, porté par l’infatigable et visionnaire Serge Diaghilev, …
sont d’essence française. Dans ce live tendu et fièvreux d’après deux
prises d’octobre 2010, le chef récemment nommé directeur musical du SWR
Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg (depuis cette saison musicale
2011-2012) réalise un traitement captivant, en dépoussiérage comme
restitution des couleurs et des couleurs d’origine.


Raffinement sonore

Quand Diaguilev commande à Stravinsky un nouveau ballet en 1909,
fort du succès des Ballets Russes à Paris, l’engouement pour le théâtre
slave, richement coloré, connaît un nouveau tournant: avec L’Oiseau de
feu, créé triomphalement à l’Opéra de Paris en juin 1910, Stravinsky
bientôt réinventeur de l’orchestre moderne avec Le Sacre du Printemps
(1913) frappe fort; sur le thème de la légende du prince Ivan
Tsarévitch, protégé par l’oiseau miraculeux, le compositeur exprime tout
le mystère d’un drame oriental et luxuriant qui croise aussi le pouvoir
du magicien Katcheï… Amateur de restitutions historiquement informées
et du contexte d’époque, François-Xavier Roth présente une vision
élargie de la création du 25 juin 1910, en apportant couleurs, rythmes
et éclats du ballet complémentaire présenté aussi à l’Opéra de Paris au
moment de la création: le ballet si bien nommé « Les Orientales », prélude
à l’Oiseau de Feu; c’est un cycle de partitions hautes en couleurs, aux
suggestions puissantes qui regroupe plusieurs signatures et non des
moindres: Sinding (danse orientale, orchestration de Charlie Piper
2010), Grieg (le Djinn, orchestration de Bruno Mantovani, 2010); un
Arensky nilotique ! (« extraits des « Nuits égyptiennes »), surtout, 3
extraits de ballets mis en musique par Glazounov (rêve puis tempérament
de Raymonda et des Saisons).

Profitant des orchestrations recomposées pour l’occasion, préservée par
la tension orfêvrée du chef, la ciselure des accents et des couleurs
renouvelle avec puissance et finesse l’activité permanente de la
sélection musicale. En architecte, soucieux du détail comme de la courbe
narrative jalonnant de temps suspendus et de précipitations, l’action
instrumentale, « FXR » (François-Xavier Roth) réussit dans ce live réalisé
il y a 1 an entre Paris et Laon; sa direction sait être véhémente et
poétique, sensible aux mille climats d’une partition souvent onirique.
La séduction des timbres crépitants, la précision des attaques,
l’opulence des alliances entre les pupitres, font indiscutablement la
valeur de cette lecture sur instruments d’époque; les nuances dynamiques
couplées à la palette des couleurs instrumentales éclairent ce
Stravinsky ivre de drame échevelé et de flamboiements raffinés, surtout
très sûr dans sa manière d’organiser le temps de l’action; sa conception
reste franche, efficace, jamais décorative, portée par une nécessité
dramatique qui écarte toute dilution comme tout épanchement redondant:
au jardin enchanté de Katcheï succède l’apparition de l’oiseau
miraculeux, surtout sa danse trépidante, d’une sensualité
expressionniste (plage 12); tout le tableau de la confrontation entre
l’ensorceleur Kaitcheï et Ivan, puis grâce à l’intervention du divin
volatile, l’envoûtement et la mort finale du magicien (pourtant
immortel), est remarquable de tenue rythmique et d’incandescente
activité; cet orientalisme n’est jamais clinquant ni démonstratif: Roth
comprend magnifiquement la nécessité de chaque intention instrumentale
dont nous avons parlé et qui constitue la cohérence et la violence du
ballet; le chef sait colorer et faire palpiter tout l’orchestre
(brillant contraste de la danse infernale des suivants de l’Immortel à
la berceuse de l’Oiseau…), trouvant une pulsation et un équilibre
sonore, exemplaires: du détail, de la fièvre dramatique (entre
hallucinations et inquiétude), des climats éperdus à l’hédonisme sonore
superlatif (supplication de l’oiseau capturé par Ivan), et toujours,
emblème des Siècles, un engagement hautement musical pour la défense
d’oeuvres inconnues … à découvrir; ou célèbres, qui sur instruments
d’époque sont désormais … à redécouvrir. Live captivant.

Paris, 1910. Ballet « Les Orientales » (Glazounov, SInding, Arensky, Grieg). Stravinsky: L’Oiseau de Feu. Les Siècles. François-Xavier Roth, direction.

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