France Musique. Dimanche 24 janvier 2016, 14h. Symphonie Le Double de Dutilleux. Souhaitons que 2016 soit enfin l’année de la reconnaissance du génie de Dutilleux, immense compositeur français du plein XXè (c’est à dire de la seconde moitié, après la seconde guerre mondiale), esprit juste et militant humaniste auquel la Mairie de paris entre autres, doit un hommage en forme de réhabilitation après le procès honteux qui lui fut fait en 2015… France Musqiue a bien raison, centenaire oblige, de dédier un numéro de sa Tribune des critiques à l’éblouissante 2è Symphonie dite » Le Double ». Le titre inscrit comme c’est souvent le cas chez Dutilleux, l’acte musical en étroite correspondance avec la poésie.
Analyse de la Symphonie n°2 « Le Double » d’Henri Dutilleux (1959)
Ombre, mystère, métamorphose….
Pour les 75 ans de l’Orchestre de Boston, la fondation Serge Koussevitzky commande au compositeur français, une partition ample et profonde à l’architecture ciselée. Dutilleux s’attèle à sa composition en 1957, et livre le manuscrit finalisé pour la création, par l’Orchestre de Boston dirigé par Charles Münch le 11 décembre 1959 à Boston. Utilisant le principe baroque du Concerto Grosso (deux ensembles instrumentaux au format différent, un grand et un petit selon la formule fixée par Corelli et reprises par Haendel entre autres), Dutilleux écrit pour un orchestre divisée par deux groupes, exploitant toutes les ressources possibles en vu d’un enrichissement polyrythmique et polyphonique. C’est une construction en miroir, l’un étant toujours doublé par son pendant, son double… d’où le titre de la pièce symphonique : 1 personnage en deux profils complémentaires. Rompant avec l’usage baroque, Dutilleux s’est expliqué dans la volonté de s’affranchir de toute référence néoclassique (même si parmi le petit cercle instrumental paraît un clavecin). Il s’agit bien de repenser la forme d’un orchestre dédoublé, aux deux groupes actifs, dialoguant, s’opposant, jouant simultanément par fusion, par différenciation… En un jeu trouble, Dutilleux exploite le principe de la variation à l’extrême. La fragmentation, les retours en arrières et donc réitérations semblent diluer le plan et le développement de la symphonie… Il n’en est rien car la construction thématique et harmonique s’affirme peu à peu d’une façon très subtile suivant un schéma précis : tonique si (1er mouvement) ; oscillation entre ut dièse, mi bémol majeur et mineur dans le 2 ; ut dièse mineur pour la conclusion. D’une sensibilité superlative souvent jubilatoire, l’écriture de Dutilleux confirme ici ses qualités emblématiques : le goût pour l’ombre, le mystère ; les clairs obscurs à la Caravage ; l’ambivalence et l’allusion. Le thème de la métamorphose traverse en particulier toute la symphonie n°2 de 1959 : la partition Le Double annonce évidemment Les Métaboles par son fini halluciné et émerveillé. Que Dutilleux ait ou non recycler ici et le sérialisme de Schönberg (mais en plus détendu et comme rasséréné) et aussi Stravinsky (par sa saisissante maîtrise polyrythmique), la Symphonie le Double affirme alors en 1959, sa pensée, son geste, comme créateur original et puissant, qui a 43 ans (soit près de 20 ans après son Prix de Rome en 1938) confirme qu’il est définitivement mûr.
Un premier ensemble de 12 instrumentistes se place en demi cercle autour du chef ; le reste de l’effectif orchestral les entoure. D’une durée indicative moyenne de moins de 30 minutes, la Symphonie le Double est en 3 mouvements.
Animato ma misterioso ; Andantino sostenuto ; Allegro fuocoso – calmato. Le rapport des deux derniers mouvements ouvrent une série de questionnements insolubles qui déterminent en vérité la portée poétique de la Symphonie et sa conception comme son architecture énigmatique. L’Andantino cultive un climat d’introspection mystérieuse pourtant suractive (métamorphose rythmique pendant son écoulement) qui a tendance à brouiller les pistes ; dans l’épisode final (Allegro), le plan s’éclaircit, le mouvement se précise : après la reprise du thème incantatoire (fuocoso), Dutilleux affirme la résolution se réalise après une strette animée sur un calmato salvateur, en renoncement, pacifié.
France Musique. Dimanche 24 janvier 2016, 14h. Symphonie Le Double de Dutilleux. La Tribune des critiques de disques. Quelle version la plus convaincante du chef d’oeuvre symphonique de Dutilleux de 1959 ? Il semble que l’enregistrement par Charles Munch, créateur à Boston en 1959 reste inégalable… L’enregistrement fait partie du coffret DUTILLEUX 2016 : The Centenary Edition, édité par Erato / Warner classics (7 cd).
Henri Dutilleux : Symphonie n°2 Le double. Voir aussi la fiche de l’émission sur le site de France Musique.