Piotr Ilyitch Tchaïkovski
Eugène Onéguine, 1881
Samedi 24 février 2007 à 22h30
En direct du Metropolitan Opera de New York
A New York, il est 13h30 de l’après-midi mais sur Arte sous nos latitudes, l’opéra de Tchaïkovski, Eugène Onéguine, son chef-d’oeuvre lyrique avec La dame de pique, est diffusé en seconde partie de soirée, à 22h30, dans la case « Musica ». Filmée par les caméras de Brian Large, la production mise en scène par Robert Carsen, ce « faiseur de rêves » auquel nous devons quelques très beaux spectacles à Paris, – songez aux Contes d’Hoffmann d’Offenbach, ou encore aux Boréades de Rameau-, promet d’être excellente. Renée Fleming en Tatiana donnera un relief psychologique et une profondeur renouvelée à son personnage dans la lignée de ses incarnations jubilatoires de la Comtesse dans Capriccio de Richard Strauss (sur les planches de l’Opéra Garnier, dans la mise en scène du même Carsen) ou de La Maréchale dans Le Chevalier à la rose du même Strauss; de même que Dmitri Hovrostovsky dont la photogénie et le métal de la voix incarneront un Onéguine d’une humaine épaisseur. Nous sommes moins enthousiastes a prioiri, quant au Lensky de Ramon Vargas dont le propre n’est pas la finesse, quoique … tout reste possible s’agissant d’un direct… Et dans la fosse, pas moins que le feu et la nervosité mâle du maestro Gergiev. Splendide soirée en perspective!
A savoir avant le début de la soirée
Scènes lyriques en trois actes et sept tableaux, Eugène Onéguine puise son sujet du roman éponyme de Pouchkine que Tchaïkovski avec la collaboration de Constantin Chilovski, adapte pour la scène lyrique. Se poursuivant entre mai 1877 et janvier 1878, la composition de la partition est assez chahutée. La matière dramatique de l’ouvrage trouve une résonnance particulièrement tragique dans la vie personnelle du compositeur. C’est que son écriture est contemporaine de son mariage avec Antonina Milukova, célébré le 6 juillet 1877, lequel s’avère en définitive catastrophique en raison de l’identité homosexuelle du musicien. Au tragique de la relation avortée, correspond le traumastisme d’un scandale inévité et le profond désarroi d’un homme terrassé par une effroyable vérité. Onéguine recueille ainsi la terrifiante crise solitaire d’un homme en échec, dans l’obligation de faire face à lui-même et de résoudre, tout au moins trouver l’apaisement de son être le plus intime. L’opéra, marqué par ce trauma, est achevé pendant un voyage en Italie.
Tchaïkovski, âgé de 37 ans, suit le portrait que donne Pouchkine des trois personnages principaux: Tatiana, Onéguine et Lenski. Histoire d’une passion malheureuse, tragique jamais dite et vécue pour elle-même, Onéguine peint le désarroi des êtres impuissants, blessés, incapables. Les seuls registres qui leur sont propres, sont le remords et l’amertume. Cynique et fier, Onéguine cache en lui-même une blessure, la plaie béante d’une âme écorchée. C’est pourquoi, il ne semble pas connaître de sérénité mais un tourment continu. Jamais extérieur ni exhibitionniste, encore moins descriptif, Tchaïkovski reste proche de l’esprit de Pouchkine. L’opéra est l’une des oeuvres les plus intimes jamais écrites. La musique exprime l’intériorité des êtres dont le chant masque le tourment venimeux qui empoisonne leur esprit. Malgré les critiques émises lors de sa création, en dépit détracteurs qui trouvaient l’oeuvre « non scénique » et pas représentable, en raison justement de son caractère psychologique, Eugène Onéguine s’est imposé sur toutes les scènes tant son expressionnisme intérieur incarne un âge d’or du romantisme russe.
L’opéra est créé à Moscou, le 29 mars 1879 par les élèves du Collège Impérial de musique, puis repris à l’Opéra Impérial (Théâtre du Bolchoï), le 23 janvier 1881… quelques jours avant que ne soit créé à l’Opéra-Comique, Les contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach (le 10 février 1881).
Distribution
Tatiana: Renée Fleming
Lenski: Ramón Vargas
Onegin: Dmitri Hvorostovsky
Gremin: Sergei Aleksashkin
Production: Robert Carsen
Set Designer: Michael Levine
Costume Designer: Michael Levine
Lighting Designer: Jean Kalman
Choreographer: Serge Bennathan
Stage Director: Peter McClintock
Metropolitan orchestra and chorus
Valery Gergiev, direction
Approfondir
Lire la fiche du spectacle sur le site du Metropolitan Opera de New York
Lire notre présentation de l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski, au moment de la production de l’Opéra de Lyon, présentée en janvier 2007
Crédit photographique
Piotr Ilyitch Tchaïkovski (DR)
Renée Fleming (DR)