Arte, le 18 décembre 2013,22h45. Bloody Daughter. Les Argerich, mère et fille. Docu, portrait de famille. Elle a du cran la fille Argerich qui longtemps après avoir été jalouse des fans de sa mère, Martha (née en 1941), immense pianiste, comprit qu’elle était la fille d’une … déesse. Stéphanie a un sacré tempérament (c’est donc bien la » bloody daughter » du titre de ce film hors normes, une sacré fille -)… en mode narratif à la première personne, la jeune femme raconte son enfance, son adolescence, sa relation à la mère, à la soeur, aux frères … car le clan est étendu : Martha Argerich qui ne s’est jamais marié a collectionné les compagnons ; elle a toujours aimé vivre en communauté, accueillant aussi de jeunes pianistes devenus nounous de ses filles chéries.
Stéphanie filme le quotidien d’une famille élargie où rayonne le noyau maternel ; c’est un hommage tendre à la mère à la fois douce et énigmatique, secrète voire autiste ; d’une félinité toujours évanescente, Martha se dévoile ici sous un autre jour ; elle qui n’aime que travailler la nuit ou discuter jusqu’à plus d’heure …
Chroniques familiales
A la fois lionne impériale – avec sa longue tignasse grisonnante-, tigresse et chatte caline, la plus grande pianiste actuelle, élève de Michelangeli, Magaloff, … gagne a contrario de ce qu’elle aurait déclaré dans un docu classique et explicatif, un nouvel éclairage où la femme insatisfaite, toujours en quête (d’idéal) préfère souvent le silence ou de vagues paroles suspendues … tout tient alors dans des gestes et des regards à peine expressifs et indirects qui en disent infiniment plus que de longs discours. Ce qu’elle dit à Jacques son impressario et ami dans le dressing rrom de sa chambre avant le concert polonais en dit long sur cette solitude insatisfaite proche de l’incommunicabilité.
La caméra filme des instants récents pendant les tournées d’Argerich mère. C’est d’abord à Varsovie où Martha décrocha en 1965 le Premier Prix du Concours Chopin (à 24 ans pour ses interprétations des Mazurkas), puis en Allemagne, lors d’une visite au père, Stephen Kovacevich (lui-même a eu plusieurs fils de ses quatre épouses … que des fils, sauf avec Martha donc).
Au coeur d’une narration affectueuse et pudique, le visage et la présence de Martha se précisent par ses contradictions. Ce que l’âme ne sait exprimer, la pianiste unique le dit sans sourciller à son clavier : artiste époustouflante, mère vaporeuse, femme énigmatique…
Bloody Daughter. Film de Stéphanie Argerich. Arte, mercredi 18 décembre 2013, 22h45.