Thomas Hengelbrock
Chef d’orchestre
France Musique
Mardi 27 mai 2008 à 16h
Programme symphonique, romantique et épique à l’affiche de ce concert enregistré le 17 mai 2008 à l’Opéra Bastille, dans lequel le chef Allemand, né à Fribourg en 1958, Thomas Hengelbrock, qui a commencé sa carrière comme violoniste, aborde ou plutôt éclaire l’intensité expressive des héros et héroïnes de la scène théâtrale: Coriolan, Cléopâtre, Brünnhilde et Siegfried. Trois suicides qui font la grandeur épique de la scène lyrique. Ce sont des dieux mortels qui nous émeuvent parce qu’ils éprouvent la fatalité et en sont les victimes impuissantes. S’il a dirigé à l’Opéra de Paris, Gluck (Orphée et Eurydice de Gluck puis Idomeneo de Mozart), Thomas Hengelbrock dévoile un autre aspect de son intense sensibilité: l’extase et la tension romantique.
Facettes romantiques
Avec Coriolan, Beethoven fait imploser le cadre purement musical de l’ouverture: tout l’orchestre se fait théâtre individuel, celui qui exprime la tension déchirante dans l’âme du héros, saisi entre devoir patriotique et son destin (fatalité) vengeur. L’Héroide funèbre de Liszt est un poème symphonique encore rare au concert mais dont l’assise et l’audace de l’écriture harmonique défont toute conception classique de l’oeuvre lisztéenne. L’amateur y décèlera quelques allusions à la Marseillaise car l’auteur souhaitait tout d’abord en faire le mouvement d’une symphonie dédiée à la gloire de la Révolution française. Quelle autre oeuvre serait plus adaptée à la salle de l’Opéra Bastille?
Tragique, fièvreuse, hallucinée (car composée dans la lecture de Roméo et Juliette de Shakespeare), la cantate La Mort de Cléopâtre est un lamento romantique qui préfigure la plainte de Didon des Troyens. Beethoven paraît ici dans les sursauts d’un orchestre rendu indomptable sous le feu des convulsions ultimes de la Reine sacrifiée, abandonnée, haineuse, radicale. Les cuivres obstinés entre autres jettent leurs accents mordants quand le compositeur évoque la morsure de l’aspic dont meurt la souveraine dans un dernier spasme tremblé. Le jury n’y attendit rien: sinon une modernité insupportable. Berlioz échoua dans sa candidature pour le Prix de Rome.
Chez Wagner (monologue finale de Brünnhilde du Crépuscule des Dieux), il s’agit pour l’interprète habitué à diriger son ensemble Balthasar Neuman (fondé en 1995, sur instruments anciens), de retrouver la ciselure atteinte en matière de dynamiques et de transparence des timbres Un vrai défi interprétatif qui a déjà montré ses réalisations convaincantes dans les opéras de Verdi. Pour atteindre la pleine expression des passions, en fidèle cantatrice, ambassadrice des rôles wagnériens et berlioziens, la soprano Deborah Polaski (qui a chanté sur la même scène, et Cassandre et Didon des Troyens), est la soliste superlative de ce programme ambitieux.
Programme
Ludwig van Beethoven: Coriolan, ouverture
Berlioz: La Mort de Cléopâtre, cantate pour le prix de Rome
Franz Liszt: Héroide funèbre
Richard Wagner: Le Crépuscule des dieux (Götterdämmerung). Monologue final de Brünnhilde
Deborah Polaski, soprano
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Thomas Hengelbrock, direction