DG concerts et Decca Concerts
Nouvelle moisson d’octobre 2007
Poursuite du catalogue numérique d’Universal Music. Un nouvel arrivage sur la toile, concernant des enregistrement sur le vif, uniquement accessibles sur le net (sur vos plateformes de téléchargement habituelles), de surcroît en provenance de grandes phalanges étrangères, majoritairement anglo-saxones, c’est un peu comme la promesse de nouveaux crus, à l’époque des vendanges.
Que vaut la nouvelle moisson concoctée par Universal music au travers de son catalogue digital? La richesse est là encore au rendez-vous: au total, l’équivalent de 11 cd reçus depuis octobre 2007. Foisonnement insolent chez Dg concerts quand Decca concerts ne nous offre qu’un seul programme (un « orchestral showcase » du New York Philharmonic sous la direction de Lorin Maazel. Certes dans un programme incluant Rimsky-Korsakov, Roussel (Suite de Bachus et Ariane) et Bartok.
Pas moins de quatre orchestres dont les premières captations live du Philharmonique de Los Angeles saison 2006/2007(dirigé par ses « deux » chefs actuels: Salonen le « sortant » et Dudamel, le « futur »), ainsi que du BBC Symphony orchestra sous la direction de Jiri Belholavek et d’Andrew Davis… Andrew Davis que l’on retrouve à la tête du Philharmonia Orchestra par ailleurs… Au programme donc, deux arrivants (BBC symphony orchestra dans le cadre des live BBC Proms 2007, aux côté du Los Angeles Philharmonic saison 2006 – 2007), puis deux orchestres qui poursuivent leur volet d’enregistrements: les 2è et 3è concerts live du Philharmonia Orchestra (saison 2006/2007), enfin le 3ème live du New York Philharmonic saison 2006 – 2007, sous la direction de son chef « sortant », Lorin Maazel. A noter le programme exclusivement composé de créations concocté par le BBC symphony auquel se joint le choeur du même nom, sous la direction de Knussen qui « crée » ainsi son propre Concerto pour violon avec Leila Josefowicz, violon, et Quatre poèmes d’après Thomas Camplon de Rodney Bennett, en un titre intitulé « Best of British World premiere recordings ».
Los Angeles Philharmonic saison 2006/2007
Voici les nouveaux live de la saison 2006/2007 du Los Angeles Philharmonic, après les quatre déjà accessibles en provenance de la saison 2005/2006
1. Bela Bartok
Concerto pour orchestre
Gustav Dudamel, direction
Live from Walt disney Concert Hall
Toutes les qualités d’un grand chef sont présentes: Dudamel malgré son jeune âge fait montre là encore encore d’une sensibilité maîtrisée, épanouie, celle d’un architecte et d’un visionnaire. Voilà qui promet de futures réalisations d’envergure voire décisives. Le maestro prendra la direction du LA Philharmonic en septembre 2009. Ciselure instrumentale, (relief des cuivres, unisson des cordes, flûte mystérieuse), l’approche est claire, lumineuse, à la fois attendrie, murmurée, suspendue dans son caractère d’étrangeté. Rien à reprocher dans l’ensemble, d’autant que la lecture Dudamel supplante aisément celle de Maazel, présente dans cette moisson nouvelle de l’automne 2007, où le chef et son NY Philharmonic paraissent en comparaison bien peu inspiré par le foisonnement des climats et la sensibilité pulsionnelle, l’euphorie rythmique d’un Bartok décidément génial. Etonnant palmarès qui disqualifient les Newyorkais d’emblée… pour une oeuvre composée au nord de New York justement , d’août à octobre 1943 à Saranac Lake. C’est Serge Koussevitsky qui devait créé l’oeuvre au Carnegie Hall de NY le 1er décembre 1944. L’énergie millimétrée (entre rusticité, réminiscences folkloriques tchèques, et aussi versatilité des rythmiques) de Dudamel fait merveille.
2. Salonen/Ravel/Prokofiev
Salonen: Helix
Ravel: Concerto pour piano pour la main gauche
Prokofiev: Roméo et Juliette, opus 64, Suite
Esa -Pekka Salonen, direction
Live from Walt Disney Concert Hall
Programme miraculeux qui tient d’emblée les promesses de son affiche, de surcroît révélant une oeuvre de Salonen soi-même: Hélix, vaste arche dont la ciselure instrumentale outre qu’elle révèle la sensibilité du compositeur, indique clairement les qualités d’articulation de l’orchestre, dans un jaillissement continu d’énergie. Rien de tel pour se chauffer avant le Concerto pour piano de Ravel qui confirme les mêmes caractères de transparence et de texture de la phalange américaine. En Thibaudet, chef et orchestre rencontre un soliste de poids, affirmé, sensible, poète, alliant nature et élégance: tout ce qui distingue cet immense pianiste, plus connu Outre-Atlantique qu’en France. Suivent onze scènes marquées par le même état de fusion et de souple éloquence, dans une suite de Roméo et Juliette, tendue, orfévrée. Ingénuité, innocence nerveuse de Juliette (Juliette Jeune Fille), grâce amoureuse du Menuet, magie et ravissement, nocturnes, de la Scène du balcon, tendresse émerveillée de Roméo à la fontaine…, pulsion nerveuse d’Aubade (comme une aube printanière), puis marche sombre (et ses embrasements tragiques) de Roméo sur la tombe de Juliette: voici le LA à son meilleur, porté par son chef charismatique, prêt bientôt à relever les nouveaux défis de son successeur, Gustavo Dudamel à l’horizon 2009…
3. Sibelius
Symphonie n°2 en ré majeur, opus 43
Esa-Pekka Salonen, direction
Live from Walt disney Concert Hall
Reçu après les autres titres de cette moisson de la rentrée, la
Symphonie n°2 de Sibelius est un choc, notre coup de coeur de décembre
2007. Un accomplissement qui vient après le cycle de concerts Sibelius
récemment donné à Paris par les mêmes interprètes, confrimer
l’implication superlative de Salonen sur le métier sibélien. Programme
incontournable. On a tôt fait d’étiqueter la Deuxième Symphonie comme l’ultime volet
d’une période « classique », or dans son développement, l’oeuvre déroute
à plus d’un titre par la multiplicité des feux que semble allumer un
orchestre changeant, instable, aux humeurs fluides et contrastées. A
plus d’un titre, on sent que l’auteur pressent la dissolution de la
forme. Le Vivacissimo relance davantage la
capacité des cordes du Philharmonic de Los Angeles à vibrer, frappées
par une ivresse lyrique irrépressible, expression plus frappante encore
de l’oscillation émotionnelle du compositeur. Salonen s’y montre encore
plus audacieux et vertigineux, creusant la disparité des humeurs
fulgurantes: c’est une tempête vive, acérée, et finalement dansante qui
se résolve, avec la réitération du motif du premier mouvement, énoncé
aux bois, repris au viloncelle solo, comme le signe d’un souverain
contrôle à présent assumé. Chez Sibelius tout tient à ces passages
incessants et presqu’imperceptibles, entre la tension paroxystique et
la détente nostalgique en un motif enfoui, soudainement affleurant. Ce
n’est qu’au terme d’un regain de violence et d’énergie radicale, que
l’orchestre entonne, presque fanfaronnant son chant de victoire, lui
aussi en provenance d’un magma terrien, d’une force et d’une assise
chtonienne. Chef et musiciens fouillent jusqu’au tréfond de leur âme,… Lire notre critique complète de la Symphonie n°2 de Jean Sibelius par Esa-Pekka Salonen
New York Philharmonic saison 2006/2007
3. Rimsky-Korsakov/Roussel/Bartok
Rimsky: Russian Easter Festival, ouverture
Roussel: Bacchus et Ariane, opus 43. Suite n°2
Bela Bartok: Concerto pour orchestre
Lorin Maazel, direction
Live from Avery Fisher Hall
Nous avons dit la faible (et terne) prestation du NY Philharmonic dans une partition qui lui était de principe réservée (Concerto pour orchestre de Bartok, créé à NY). Après une ouverture signé Rimsky, un peu pâteuse, le niveau s’élève grâce à la Suite Bacchus et Ariane n°2 de Roussel: le mythe d’un amour salvateur celui de la Belle Ariane abandonnée et suicidaire mais sauvée par Bacchus se précise ici, grâce à une direction fine et contrastée qui saisit les ruptures de climats sans les couper, assurant la tension et la progression des évocations, depuis l’abandon et le sommeil d’Ariane, sa rencontre avec Bacchus, l’enchantement dyonisiaque, jusqu’à la Bacchanale triomphale semant ses gemmes et pierreries instrumentaux d’une force éclatante… Maazel, grand maître lyrique, à la sensualité convaincante quand il reste précis et analytique, et sait s’abandonner sans minauderie (nous lui devons en cela une excellente suite du Chevalier à la rose de Strauss, également disponible en téléchargement au sein de la précendente livraison Decca concerts de février 2007), se montre quasiment à la hauteur de la partition rousselienne. Quasiment… car en dépit d’une évidente affinité avec le délire dyonisiaque de la partition, il faut maîtriser aussi, tout autant, la transparence, le délicat équilibre des dosages de timbres, la féerie d’une orchestration qui n’a rien à envier à Ravel ou Debussy. Il y manque donc un soupçon de détails, de transparence… mais l’énergie, la volupté savent embraser la sonorité. L’orchestre est somptueux et l’élégance de Maazel se révèle fin connaisseur de la question rousselienne, d’autant que nous tenons là l’un des chefs d’oeuvre de la haute maturité du compositeur. Le ballet intégral d’Ariane fut créé à l’Opéra de Paris, en mai 1931, volet indiscutable de la politique d’ouverture à la création contemporaine de son directeur Jacques Rouché, dans une chorégraphie signée Serge Lifar. Dommage que Maazel se montre sans pertinence dans le choix du programme: il aurait été tellement judicieux d’inscrire l’intégralité des deux Suites de danses. La première Suite ne le disputant en rien à la Seconde, sur l’autel de la délicatesse et de l’ivresse sonore. L’intérêt réel du présent enregistrement en aurait gagner davantage de d’épaisseur.
BBC Symphony Orchestra
1. Best of British 20th century classics (1)
Walton: Portsmouth point
Elgar: Concerto pour violoncelle
Jiri Belohlavek, direction
2. Best of British 20th century classics (2)
Delius: A song of summer
Tippett: Triple Concerto
Sir Andrew Davis, direction
3. Incantation
Britten: Quatre interludes marins (extraits de Peter Grimes, opus 33a)
Martinu: Concerto pour piano « Incantation »
Prokofiev: Symphonie n°5 opus 100
Ivo Kahanek, piano
Jiri Belohlavek, direction
Captation emblématique de l’engouement toujours intact des britanniques pour leurs Proms: ritual collectif célébrant par le plus grand nombre, et en famille, chaque nouelle performance orchestrale. Le BBC Symphony participe depuis toujours à ce qui tient d’une tradition presque exclusivement insulaire. Mais Jiri Belohlavek obtient le meilleur de la phalange, créant cette aspiration marine, cette houle mystérieuse et cosmique dans les Quatre Interludes extraits de Peter Grimes de Britten. La haute tenue de la vision prouve s’il en était encore besoin que le cycle s’impose en tant que tel, détaché de l’opéra éponyme. Même sentiment d’âpreté irrépressible dans le Concerto de Martinu et davantage encore dans une Symphonie n°5 de Prokofiev, sans fioritures, directe et remarquablement ouvragée.
4. Best of British 20th century classics (3)
World premieres recordings
Bennet: Quatre poèmes d’après Thomas Campion
Knussen: Concerto pour violon
Leila Josefowicz, violon
Olivier Knussen, direction
Philharmonia Orchestra
2. Elgar
Alassio, Enigma variations
Symphonie n°1
Sir Andrew Davis, direction
Live enregistré au Fairfield Hall, Croydon, le 18 avril 2007
Enigma Variation, le 19 avril 2007 au Queen Elizabeth Hall de Londres
3. Schubert
Symphonie n°2 D125
Sonate pour piano D664
Symphonie n°5 D485
Andreas Schiff, piano et direction
Live enregistré au Queen Elizabeth Hall de Londres, le 29 mars (Sonate pour piano) et le 1er avril 2007
Andras Schiff reste un interprète de Schubert fin et sensible, d’une grande clarté, plus murmurée que réellement visionnaire ou énigmatique. Né à Budapest en 1953, le musicien hongrois sait toujours préserver la lisibilité. La D664 est en cela approchée avec plus de mesure que de climats ouvrant sur l’étrange et le rêve. Heureusement les deux Symphonies qui encadrent la Sonate, confirment la compréhension du chef pianiste sur le motif symphonique façonné par Schubert. L’allant, la légèreté des accents, l’absence de toute emphase, insiste sur la nature interrogative de la musique: sous l’élégance du style à la viennoise, se terre parfois terrifiante/terrifiée, la conscience d’une profondeur tragique…