vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Festival Toulouse les orgues, la Halle aux grains. Vendredi 12 octobre 2007. Concert « les Grands Interprètes »: Bach, Messe en si. Ton Koopman.

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Polyptique à la fois monumental et intime, divin et humain, La Messe en si que nous connaissons n’a que peu de choses en commun avec ce qu’a pu écouter et agencer Bach à son époque. Le montage que nous écoutons ordinairement est une création de 1845, l’auteur ayant toute sa vie, repris diverses messes et éléments liturgiques, de 1733 à 1749… Long processus dont la permanente évolution indique l’exigence d’un génie universel dont la portée certes musicale, se renforce encore dans la conception oecuménique de son ouvrage. La Messe en tant que telle est liée autant au rite luthérien qu’à la célébration catholique…

Adoration pastorale
Que l’on ait sa propre conception de la Messe en si de Bach, polyptique triomphal ou acte de ferveur collective, entre glorification et intériorité, Ton Koopman, 63 ans, choisit d’emblée une vision médiane, profondément personnelle qui voit dans chaque tableau, la tendresse, la douceur des fervents. Sa lecture a d’autant plus d’arguments qu’aux côtés de l’orchestre et du choeur, les deux solistes « vedettes », soprano et alto, -qui est la voix favorite du compositeur baroque-, portent et projettent le sens du texte. Sa Messe a des résonances d’adoration pastorale, de douce et extatique jubilation de l’instant, plutôt recueillement que théâtre de la Passion.
Jusqu’au final du Gloria, après que la parole du Christ (Quoniam tu solus sanctus pour basse solo) doublé par le cor ne trouve sa mandorle glorieuse dans le choeur successif qui lui fait écho (Cum sancto spiritu), le chef veille sur ses troupes comme un bon berger, en gestes qui atténuent, adoucissent, caressent. Le choeur le suit, dans l’articulation et l’intelligibilité. Et c’est l’explosion en un sentiment irrépressible d’allégresse où tout l’orchestre participe, trompettes et timbales, et tous les pupitres électrisés par la vitalité bouillonnante et nerveuse du chef.
D’une manière générale, Koopmann a allégé sa sonorité: un continuo essentiel (deux violoncelles, une contrebasse, un orgue positif), seuls deux altos dialoguent avec le pupitre des violons, plus abondant. Le clavecin que joue le maestro pour accompagner les solistes aime ornementer, accuser ce qui effectivement rattache Bach au rococo. Mais le sens des masses sonores, l’architecture et la progression des thématiques philosophiques et spirituelles, distinguent le Cantor de Leipzig au-dessus de ses contemporains. Le choeur apporte sa contribution non des moindres: articulation, drammatisme et ferveur. Quant à l’orchestre, c’est un festival de solistes d’où se détache le jeu du corniste et de l’oboïste (… d’amour: Qui sedes, magique. En dialogue avec la voix du contre-ténor, l’instrument soliste exprime l’éclat intérieur de la prière).
Parmi les solistes, deux se distinguent sans réserve: la basse toujours aussi noble et articulée de Klaus Mertens et le jeune alto masculin d’origine britannique, Iestyn Davies: brio vocal, patine émouvante, relief et matière corsée du timbre, émission claire, incarnée, prodigieusement intense: voici un jeune talent à suivre, doué d’une présence captivante. On avait déjà eu l’occasion de le remarquer l’enregistrement de la Griselda de Vivaldi où il chante le rôle de Corrado (au sein d’une distribution plus que cohérente), sous la baguette tonifiante de Jean-Christophe Spinosi (Naïve). Concert de très haute tenue, dans la subtilité et la rigueur.

Toulouse. Festival Toulouse les orgues. Halle aux grains, cycle « Les Grands interprètes ».Vendredi 12 octobre 2007. Jean-Sébastien Bach (1685-1750): Messe en si mineur BWV 232 (1733-1749). Marieke Steenhoek, soprano. Iestyn Davies, contre ténor. Jörg Dürmüller, ténor, Klaus Mertens, basse. The Amsterdam Baroque Orchestra & Choir. Ton Koopman, direction.

Crédit photographique
Iestyn Davies, contre-ténor ©

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