vendredi 25 avril 2025

Toulouse. Halle-aux-Grains, le 26 novembre 2011. Mendelssohn, Bruckner… Orchestre Philharmonique de Radio France. Thomas Dausgaard, direction

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Ce concert programmé avec l’Orchestre philharmonique de Radio France et son Chef Myung-Wun Chung, interprètes qui nous avaient offert une version mystique de la IX° de Bruckner en 2009, a été menacé d’annulation par la maladie du chef. Nous espérons en son prompt rétablissement car l’engagement de cet artiste auprès de cet orchestre depuis plus de dix ans est grand et porteur de très beaux moments pour le public. Rendons grâce aux organisateurs de n’avoir pas changé le programme, car Bruckner à Toulouse n’est pas donné si fréquemment. Le chef qui a osé reprendre le flambeau est une découverte inespérée. Thomas Dausgaard est Danois et officie auprès de nombreux orchestres avec un engagement peu commun. Ce soir, il a su affronter Bruckner en prouvant sa parfaite compréhension de cette musique « Hénorme » affirmant une vision aussi originale que juste de ce compositeur encore mal aimé en France. La symphonie n°4, dite romantique avec l’assentiment de Bruckner lui-même, (il est allé jusqu’à en avoir écrit une sorte de programme), est d’accès facile même si les répétitions et longueurs coutumières du compositeur sont très présentes.


Bruckner en majesté


Dès le fameux trémolo du début et le chant fragile du cor
, l’auditeur a été saisi par le frisson de la nature s’éveillant. Le voyage à travers paysages, figures mythologiques du romantisme germaniques, comme cavalcades et chevaliers, princesses et fées, cimes abruptes et gorges ténébreuses, torrents vifs et fleuve ombrageux, monts ensoleillés et eaux sinistres, tout le rapport entre la nature et l’homme si cher aux romantiques est venu s’imposer à notre sensibilité avec une puissance incommensurable. L’engagement du Chef a obtenu des instrumentistes de se dépasser, les forte (et quels forte !) pouvaient encore gonfler en fin de phrase. Les lentes montées semblaient invincibles et les silences si pleins de sens. La beauté des gestes de Thomas Dausgaard, sa confiance en l’orchestre font de sa direction une somme d’intelligence et de sensibilité. Sa gestuelle est danse expressive. La mise en place a été parfaite, les plans tous respectés sans mollesse ni flou, les importantes superpositions de groupes d’instruments héritées de la pratique de l’orgue, et parfois si faibles chez Bruckner, sont avec ce chef assumées et vivent héroïquement. Les reprises de thèmes, les nombreuses répétitions sont autant d’engagement dans une croyance absolue en la beauté de l’œuvre. Nous entraînant tous, musiciens et public, dans sa vision limpide, Thomas Daugaard a offert à Bruckner la puissance, la force invincible et la beauté éblouissante qui lui manquent dans bien des versions semblant alors dépassées. Cette prise en compte de la modernité de Bruckner, de sa puissance créatrice dépassant le simple professeur, ou la simplicité de sa foi de charbonnier, ne peut pas séduire toutes les oreilles. On de résiste pas à une telle puissance, on doit lui succomber. On ne discute pas une telle interprétation on s’y engouffre et on y brûle. Cette vision Olympienne est particulièrement bien défendue par un orchestre Philharmonique de Radio-France des tous grands soirs. Venus en nombre, la perfection technique des instrumentistes a été grande. La beauté de la sonorité des alti, qui ont de si belles phrases, a la palme de l’onctuosité. Les violons ont été comme un seul homme mais avec un son moins sublime sue les alti. Les bois ont semblé un peu en retrait face à cette mer de cordes, mais cors et cuivres ont su nuancer avec art des interventions déterminantes. L’andante a aboli la temporalité, sa longueur est devenue toute relative malgré un tempo retenu. En effet, la beauté plastique des phrases, les nuances profondes obtenues par le chef, créent un océan de beauté liquide baignant les sens des spectateurs. Rares sont ceux qui ont pu résister à cette force sublime émanant de la symphonie romantique qui n’a jamais si bien porté son nom.

En première partie avec distanciation, esprit et humour Thomas Dausgaard avait dirigé la célébrissime symphonie n°4 « Italienne » de Mendelssohn. On en a connu des interprétations plus profondes ou plus engagées mais pas plus claires, avec une mise en place d’horlogerie suisse si habile. La marche des pêcheurs et son soubassement mélancolique n’a pas été évoquée, au contraire un convoi joyeux et fantasque a pris sa place. L’orchestre a joué avec vivacité et célérité, répondant avec jubilation aux sollicitations du chef qui avait choisi des tempi rapides, tout à l’opposé de ceux de la symphonie de Bruckner.

Avec ce programme contrasté, le très bel Orchestre de Radio France a su répondre aux propositions de Thomas Dausgaard, chef original et audacieux qui promet beaucoup et que nous suivrons, en raison d’un pouvoir de conviction peu ordinaire.

Toulouse. Halle-aux-Grains le 26 novembre 2011. Félix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847) : Symphonie n°4 en la majeur, « Italienne » op.90 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°4 en mi bémol majeur, « Romantique ». Orchestre Philharmonique de Radio France. Direction : Thomas Dausgaard.
Illustration: © Ulla-Carin Ekblom

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