un nouveau CD intitulé « Résonances », (Mozart, Berg, Liszt, Bartok. 1 cd Deutsche Grammophon) et une tournée mondiale Hélène Grimaud atteint une maturité d’une
force incroyable : la puissance de l’intelligence et de la musique.
Toulouse lui a fait un triomphe et a obtenu deux bis de l’artiste rayonnante.
Grands Interprètes ont sacrifié au star système en invitant la plus médiatique
des pianistes : avant tout cela représente une grande chance de bénéficier
du programme particulièrement original que la belle française va donner dans le
monde entier, au delà de l’Europe, au Japon et aux USA ! DG vient de
sortir le CD qu’Hélène Grimaud a concocté avec passion autour d’une
partition : la Sonate de Berg, annotée en couleurs par son professeur
Pierre Barbizet dans son enfance. En acceptant de percevoir les résonances
musicales autour de cette œuvre étrange, sans fausse pudeur, la pianiste
farouche amie des loups, nous propose un voyage énergétique et puissant,
infiniment intelligent, réservé aux âmes fortes. La sonate n° 8 de Mozart en la
mineur s’ouvre sur un rythme décalé qui sous les doigts d’Hélène Grimaud prend
des allures de cavalcade arrogante. Ceux qui aiment un Mozart poudré, galant et
aimable verront leurs corsets et leurs nœuds de cravates éclater. Quelle audace
et même quelle violence dans cette interprétation privilégiant le rythme tout
en le malmenant et les harmoniques en les étirant ! Quelle œuvre forte et
novatrice nous révèle-elle ? L’Allegro maestoso caracole au risque de
trébucher, l’andante pleure et touche par des nuances parfois abruptes et des
couleurs fauves, le presto fuse comme un éclat de rire un peu inquiétant. C’est
un Mozart très viril qui est convoqué, pianiste virtuose invincible,
compositeur particulièrement audacieux. La main gauche est d’une puissance tout
à fait inhabituelle. Jamais Hélène Grimaud ne cède à la simple beauté. Toute
mignardise est bannie, tout charme superflu en exil. La puissance dégagée par
le jeu pianistique est pourtant portée par un geste économe et simple. Pour la
sonate de Berg qui fait suite, l’artiste lira la
partition. Geste d’humilité, comme un hommage à cet op.1, déjà si profond.
Cette sonate reste officiellement dans la tonalité de si mineur mais voyage
constamment aux rives de l’atonalité. Les nuances exigées sont subtilement
réalisées et la théâtralité de l’œuvre est intensément vécue par Hélène
Grimaud. La vie fuse sous les doigts d’acier capables de tout obtenir du piano.
Le public est abasourdi par l’intensité de la première partie du concert, si
riche en audaces crânement assumées par une Hélène Grimaud invincible.
si mineur, achève de prouver qu’Hélène Grimaud atteint aujourd’hui une maturité rayonnante. Cette œuvre si
virtuose et si musicale à la fois est ici opéra fantastique, minéral, aqueux,
puis férocement brûlant. La puissance de la main gauche atteint au titanesque.
La force qui se dégage de l’interprète avec une économie de gestes provoque la
stupeur. Comment une si jeune et belle femme peut obtenir un jeux d’une telle
virilité triomphante ? Les
rythmes conduisent à l’obsession, les phrases chantées sont dignes du bel canto
et la virtuosité explose tout en magnifiant des trouvailles harmoniques rares.
La puissance quasi atomique de cette interprétation laisse le public pantois.
Puis les Danses populaires roumaines de Béla Bartók apportent soleil, humour et
joie. La technique se fait oublier sans rien lâcher, au profit d’un plaisir
musical qui paraît facile, sans aucune concession au joli son, ni au
folklorique.
Ce
qui restera comme impression majeure de ce concert est avant toute chose une
force de persuasion rare et une puissance de jeu revigorante. La simple beauté
est définitivement oubliée pour laisser la place au génie des compositeurs,
capable de résonner à travers le temps et l’espace sous les doigts d’une
artiste précieuse comme un
arc-en-ciel après l’orage et très originale. Le CD de ce programme si
intelligent et si puissant saura certainement conquérir une large audience.
Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 29 novembre 2010.
Wolfgang-Amadeus-Mozart (1756-1791) : Sonate n°8 en la mineur K.310 ;
Alban Berg (1885-1936) : Sonate op.1 ; Frantz Liszt
(1811-1886) : Sonate en si mineur S 178 ; Béla Bartók
(1881-1945) : Danses populaires roumaines BB 68. Hélène Grimaud, piano.