mardi 22 avril 2025

Toulouse. Halle aux Grains, le 3 novembre 2011. Granados, Turina, de Falla, Bacri, Ravel. Patricia Petibon, soprano. Orchestre National du Capitole de Toulouse, Josep Pons, direction

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Ce concert de musiques hispaniques, ou inspirées par l’Espagne, avec un mariage de musiciens des deux patries, France et Espagne, a surtout mis en exergue la classe et l’élégance communes. La séduction mutuelle a, de part et d’autre des Pyrénnées, toujours musicalement existé en dépit de moments historiquement tendus. Le début du XX° siècle a véritablement conduit à un mariage réussi. Ainsi Granados a t-il obtenu la légion d’honneur après la création de ses Tonadillas salle Pleyel en 1914. Les interprètes de ce soir associent un orchestre et une cantatrice français et un chef espagnol. La voix légère de Patricia Petibon ne correspond pas intrinsèquement à ce que les cantatrices historiques nous ont légué comme merveilles dans ce répertoire. Impossible d’oublier Victoria de Los Angeles, Pilar Lorengar ou Montserrat Caballe pour ne parler que des sopranos. Cette première surprise passée, il faut se rendre à l’évidence : la cantatrice française, qui a été capable de réussir une Lulu inattendue, a bien des tours dans son sac. Superbe robe rouge sang, chevelure de feu, le tempérament de la femme est là, bien visible. La voix gracile sait ensuite s’appuyer sur un texte investi et une expression passionnée pour devenir média d’émotions intemporelles. L’Orchestre du Capitole sait répondre à cette flamme par des couleurs riches et une clarté de texture de bon aloi. Josep Pons fait partie de ces chefs qui laissent jouer les musiciens. Il privilégie la clarté de la lecture et l’élégance du phrasé, semblant surtout admirer la beauté des sons des musiciens. Turina a étudié à Paris et son orchestre, a une qualité héritée de cette influence. Cantares, mélodie dynamique est bien envoyée mais sans véritable explosion. On sent vraiment que les interprètes ont décidé de privilégier l’influence française et de gommer toute Espagne extravertie.

Patricia Petibon engagée théâtralement dans les images suggérées par le texte, fait beaucoup pour animer son chant mais n’est pas suivie par les musiciens, le chef gardant une constante réserve. Manuel de Falla a écrit un drame Gitan avec sa Vida breve. La splendeur de l’orchestration peut être sauvage et le chant de Salud peut toucher intimement. Nos interprètes ont décidé de donner à ces pages sa clarté et son élégance princière et de gommer tout drame Gitan. Est ce afin de respecter les moyens vocaux de la soprano ? L’intermède orchestral et la danse permettent à l’orchestre de déployer une palette de couleur enviable et des interventions solistes admirables. Les nuances Forte sont toutefois un peu lourdes. Mais Falla est apparié à Ravel et Debussy avec qui il se lia entre 1907 et 1914, et devient ainsi l’Espagnol le plus Français du concert. En deuxième partie, les trois pièces de Ravel évoquant l’Espagne, Alborada del Gracioso, Rapsodie Espagnole et Boléro offrent un moment d’hédonisme orchestral. Mise en place souple et liberté de nuances subtiles, offrent un Ravel ensoleillé sans excès. La dernière pièce, le Boléro, est la plus aboutie avec un beau naturel dans son déroulement qui culmine dans le Forte final et son écroulement subit. Le départ dans une nuance infime est un régal de beauté sonore lancé par une flûte d’une grande délicatesse : François Laurent invente un son diaphane du plus bel effet. Tous ses collègues rivaliseront ensuite de subtilité et méritent tous des éloges, avec une mention particulière pour le tout jeune joueur de caisse claire, impressionnant de maturité musicale.

Les pièces les plus marquantes et qui justifient avant tout ce concert sont la création française d’une commande de Patricia Petibon à Nicolas Bacri de Quatre Chansons sur des paroles de Alvaro Escobar Molina. Leur création mondiale a eu lieu à Madrid le 7 octobre 2011 avec Josep Pons dirigeant son orchestre : L’Orchestre National d’Espagne. Un CD (Melancolia: prochaine critique dans le mag cd de classiquenews.com) vient également de paraître chez DG les contenant avec des œuvres de l’Espagne et du Brésil. Ces Melodias de la melancolia forment une œuvre fort intéressante que la soprano défend avec énergie. L’orchestration est agréable sans audaces excessives et s’inscrit dans la lignée franco-espagnole vingtiémiste du concert. Bien des sopranos et des chefs vont certainement s’emparer de ce beau cycle comme complément à des programmes de mélodies avec orchestre.

Le succès personnel de Patricia Petibon dont le tempérament sait capter son auditoire nous a permis de déguster deux bis dont la Cancion de cuna para dormir a un negrito de Montsalvatge. La séduction du rythme et la beauté de la mélodie ont été utilisées par la soprano pour, tournant sur elle-même, provoquer un doux moment de suspension du temps hypnotique. Qui d’autres oserait terminer cette mélodie couchée sur le sol, victime de son propre charme ? Patricia Petibon est une grande séductrice ! Le public l’a plébiscitée en fin de première partie de programme.

Toulouse. Halle aux Grains. Jeudi 3 novembre 2011. Enrique Granados ( 1867-1916) : Tonadillas : Maja dolorosa n°2, El mirar de la maja ; Joaquin Turina (1882-1949) : Poema en forme de canciones, Cantares ; Manuel de Falla (1876-1946) : La vida breve, Viva los que rien ; Intermède symphonique ; Danse ; Nicolas Bacri ( né en 1961) : Melodias de la melancolia, op.119b ; Maurice Ravel (1875-1937) : Alborada del Gracioso ; Rapsodie Espagnole ; Boléro. Patricia Petibon, soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction Josep Pons.

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