Intense création pour ouvrir la saison
Le Concerto pour piano de Bartok a ensuite pris un peu de temps pour que l’accord entre le chef et le pianiste se réalise. Après avoir dépassé une sorte de peur mutuelle sur les premières mesures, la glace s’est brisée et la fusion entre piano et orchestre a été éblouissante. Le jeu de Jean-Frédéric Neuburger est étincelant de précision. Sa percussion, si présente dans cette pièce, est tout particulièrement souple sans la moindre agressivité. L’élasticité de sa main gauche est remarquable. L’orchestre a brillé d’un bel éclat, même si quelques rares scories ont pu être présentes. C’est le mouvement lent qui a ouvert la porte des étoiles pour un moment de grâce pur et rare. La construction en arche a été rendue très lisible en raison de la direction intelligible de Tugan Sokhiev. Battue très précise, élégance du geste restent les qualités marquantes du jeune chef. Tous les plans sonores sont équilibrés et la tension installée est rarement lâchée, juste quand il faut. Un bijou horloger semble sortir de sa baguette. Le pianiste choisi dans le bis d’offrir au public sa transcription très sobre de la Sicilienne de Bach si connue dans la version de Wilhelm Kempff. Grâce et liquidité du son, phrasés subtils envoûtent, surtout après la belle frénésie bartokienne.
La symphonie n°3 de Rachmaninov est rarement offerte au public. Reconnaissons qu’elle mérite en partie cet oubli. Composée aux USA en pensant à la Russie elle ne comporte rien de bien original. La lecture de Tugan Sokhiev évite un romantisme trop larmoyant, donne du corps lorsque c’est possible mais ne peut rendre meilleur une œuvre assez insatisfaisante. L’orchestre y prouve ses qualités, belle attaque pianissimo de la symphonie mais surtout c’est Geneviève Laurenceau magnifique au violon solo, qui débute l’adagio magiquement. Les cordes sont superbes de tempérament et de fermeté de son durant tout ce concert, alliées précieuses du chef tout particulièrement dans cette symphonie bavarde.
Une rentrée Toulousaine sur un pied international avec une création magnifique et un Bartok étincelant, sous la baguette d’un chef enthousiasmant !
Toulouse. Halle Aux Grains, le 9 septembre 2010. Elena Firstova (née en 1950) : Beyond the Seven Seals, op. 119, création mondiale ; Bela Bartok (1881-1945) : Concerto pour piano n°2 ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Symphonie n°3, op.44 ; Jean-Frédéric Neuburger, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse.Tugan Sokhiev, direction.
Illustration: P.Nin