Fauré tout en finesse avec le Chœur du Capitole
La musicalité délicate de ces pièces exige une parfaite maîtrise des nuances jusque dans des demi-teintes d’aquarelle. Le concert a présenté quatre œuvres chorales profanes avec accompagnement de piano. Dès Les Djinns ce qui frappe c’est la finesse de l’articulation et l’importance donnée aux mots presque chuchotés. L’effet est réussi avec la magie fantasque et l’inquiétante étrangeté créées par la rencontre avec ces créatures démoniaques. La théâtralité de la pièce trouve ici toute sa place vocale. Le Cantique de Jean Racine ample et noble met en lumière une très belle homogénéité des pupitres, parfaite maîtrise des nuances jusqu’au forte. Mais ce sont les deux pièces plus « baroques », Pavane et Madrigal qui séduisent totalement par un esprit français si typique et un bon goût si peu explicable. L’idée qui vient à l’esprit est fort simple : c’est ainsi que cela doit sonner et se dire, c’est comme cela que Fauré l’a voulu, mêlant passé et avenir. Les voix sont souples et belles, les textes dits avec esprit. La direction est gracieuse et précise à la fois, toutes les nuances viennent naturellement trouver leur place et les phrasés coulent de source.
En deuxième partie de concert, le Requiem de Fauré en une belle version chambriste a ravi le public.
Les musiciens de l’Orchestre du Capitole ont rejoint leurs collègues chanteurs sur la scène pour une version hybride. Ce Requiem à l’orchestration si subtile a été créé à l’église de la Madeleine en 1888 avec Violon solo, alti, violoncelles, contrebasse, harpe, orgue, timbales. Puis en 1892 une version élargie, a été augmentée des deux parties pour baryton, avec l’ajout dans l’orchestre de trompettes, cors et trombones. Ensuite a eu lieu une création éléphantesque pour l’exposition universelle de 1900 avec grand orchestre complet et 250 choristes. Cela a quelque peu dénaturé le caractère initial de l’œuvre ! Alfonso Caiani a choisi de retrouver la seconde version en ajoutant trompettes et cors préservant la délicatesse chambriste élargie à la scène de l’opéra.
L’esprit de l’orchestration originale si subtile est ainsi préservé avec les deux superbes interventions du baryton, les cuivres ajoutant une impression de sombre profondeur par moments. Les alti sont superbes de sonorité et permettent ensuite dans le Sanctus au violon solo de planer très haut. La harpe a la divine sérénité attendue. Sans conteste cette version chambriste a bien plus de poésie que celle pour grand orchestre. La direction raffinée d’Alfonso Caiani fait merveille et obtient des choristes, solistes et instrumentistes des phrasés larges respirant amplement et des superbes couleurs nuancées avec des teintes pastels et une lumière sombre qui permet à cette spiritualité qui croit aux anges et nous les rend présents de s’exprimer totalement.
Fauré était un homme doux et son deuil (la perte de ses deux parents) ne le révolte pas (il renonce au Die Irae) mais au contraire fait s’ouvrir le paradis des anges et de la lumière. La voix de soprano de Lucrezia Drei fait merveille dans ce chant pudique et sensuel très pur. Voix agréable et parfaitement conduite avec d’exquises nuances. Aimery Lefèvre est un baryton à la voix naturelle agréable et son chant semble d’une grande évidence trouvant l’équilibre entre émotion et retenue. Jamais rien de forcer ou de violent, tout est fort et doux à la fois.
L’orchestre est très en place et riche en belles couleurs. Et les chœurs lisses et planants mettent en lumière toute la délicatesse de la partition, ses nuances et ses alchimies complexes. In Paradisum nous ferait croire à sa réalité !
Une très belle soirée, douce et apaisante par des interprètes intègres et inspirés confirmant les immenses progrès du cœur du Capitole sous la direction d’ Alfonso Caiani.
Toulouse. Théâtre du Capitole. 9 Juin 2011. Gabriel Fauré (1845-1924) : Djinns, opus 12 ; Cantique de Jean Racine, opus 11 ; Madrigal, opus 35 ; Pavane, opus 50 ; Requiem, opus 48. Lucrezia Drei, soprano ; Aimery Lefèvre, baryton ; Chœur du Capitole ; Orchestre national du Capitole. Direction : Alfonso Caiani.