Créé en 1857 à la Fenice de Venise, cette œuvre semble suivre le courant initié chez Verdi par les Vêpres Siciliennes : continuité dramatique forte, peu d’airs séparés, véritable flot ininterrompu de musique et de texte, accord majeur souligné par la révision opérée en 1881 avec la complicité d’Arrigo Boito.
En cours d’action, on suit le parcours du corsaire Simon Boccanegra, devenu doge après avoir perdu femme et enfant. Faisant la rencontre de la jeune Amelia Grimaldi, élevée par l’ancien doge, il s’aperçoit qu’elle est sa fille tant recherchée. Mais, empoisonné par le plébéien Paolo Albiani, à qui il a refusé la main d’Amelia, il meurt en consacrant doge son ennemi politique qui est aussi l’aimé de sa fille, Gabriele Adorno.
Boccanegra convaincant
La mise en scène de Gilles Bouillon, élégante et sobre, composée de panneaux sombres, se veut illustratrice du drame: elle y réussit pleinement, laissant à la musique toute sa force émotionnelle sans jamais la contredire ni la brider.
Souffrant de vertiges causés par son oreille interne, Roberto Servile assume pourtant avec courage le rôle-titre, malgré des aigus parfois difficiles. Le baryton compose finalement un portrait émouvant du vieux doge.
Marguerite dans Faust à Massy voilà deux ans, Lianna Haroutounian déploie à nouveau sa superbe voix pour notre plus grand plaisir. L’instrument est large, puissant et rond; la technique toujours aussi accomplie, couvrant sans peine la longue tessiture du rôle, des aigus amples et faciles, aux graves sonores et bien timbrés. On l’attend à présent dans la Leonora du Trouvère, dans laquelle elle devrait là encore, faire merveille.
Applaudi sur cette même scène dans Faust il y a deux mois à peine, Luca Lombardo impose derechef, la franchise de son émission et la précision de sa diction: son Gabriele Adorno est plein de panache.
Le Fiesco de Petar Naydenov, s’il se révèle sonore et imposant, nous déçoit en revanche, la ligne de chant est souvent assombrie et engorgée, à l’instar du Paolo Albiani, efficace mais caricatural dans sa couleur vocale opaque et laryngée d’Igor Gnidii.
Beau travail des Chœurs de l’Opéra de Tours, à la fois sonores et subtils, d’une belle précision dans la diction italienne.
Connaissant par cœur son Grand-Théâtre et son Orchestre Symphonique Région-Centre Tours, Jean-Yves Ossonce cisèle les lignes instrumentales, exalte les timbres et conduit l’action, trouvant un bel équilibre entre la fosse et la scène. Conquis, le public a chaleureusement applaudi cette redécouverte d’une œuvre plus rare du grand Verdi.
Tours. Grand-Théâtre, 15 mai 2011. Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra. Livret de Francesco Maria Piave d’après Gutiérrez, révision d’Arrigo Boito. Avec Simon Boccanegra : Roberto Servile ; Maria Boccanegra / Amelia Grimaldi : Lianna Haroutounian ; Gabriele Adorno : Luca Lombardo ; Jacopo Fiesco : Petar Naydenov ; Paolo Albiani : Igor Gnidii ; Pietro : Alain Herriau ; La Suivante : Sylvie Martinot ; Le Capitaine : Mickaël Chapeau. Chœurs de l’Opéra de Tours ; Chef de chœur : Emmanuel Trenque. Orchestre Symphonique Région Centre-Tours. Jean-Yves Ossonce, direction musicale ; Mise en scène : Gilles Bouillon. Dramaturgie : Bernard Pico ; Décors : Nathalie Holt ; Costumes : Marc Anselmi ; Lumières : Michel Theuil ; Chef de chant : Vincent Lansiaux
