TOURS, Gd Théâtre. L’âme Russe, les 12,13 mai 2018. Foyer symphonique de premier plan, grâce au cap fixé par le directeur des lieux, Benjamin Pionnier, qui est aussi chef symphonique et lyrique (voir nos récents reportages vidéos consacrés aux opéras que le maestro a dirigé à Tours : le rare Philémon et Baucis de Gounod (février 2018), puis plus récemment encore, l’excellent A Night’s Summer Dream de Britten, avril 2018), l’Opéra de Tours accueille en mai, un nouveau programme de musique russe, celle acerbe, affûtée, vive, d’un grand lyrisme rentré, tels qu’ils rayonnent en soleils noirs, dans l’écriture de Dmitri Chostakovitch. La 15è Symphonie, en la majeur (opus 141) est créée à Moscou en 1972 : le plan entend récapituler l’existence humaine, dans un esprit de synthèse propre aux dernières années du compositeur. Après la tristesse et l’affliction, majoritaires et presque étouffantes de la 14è Symphonie (où les voix d’une soprano et d’une basse s’associent à l’orchestre), le 15ème opus symphonique de Chostakovitch (elle aussi parsemée de nombreux motifs dodécaphoniques) s’éclaire d’une sérénité intérieure inédite qui n’écarte pas les accents d’une grande dépression. On l’a souvent souligné avec raison : le tempérament de Chosta, en liaison avec son existence dans la Russie de Staline, reste traumatisé par la dictature face à laquelle il a su développer un cynisme ironique masquant toute sincérité trop manifeste. Auréolé par une conscience humaniste qui se cherche des frères marqués eux aussi par le drame de la destinée humaine, Chostakovtich cite l’ouverture du Guillaume de Tell de Rossini (autre profond dépressif), dans l’évocation du temps de la jeunesse et des jeux soldatesques (premier mouvement : allegretto) et le thème du « sort » écrit par Wagner dans le Ring (précédé, préfiguré dans l’Adagio très sombre ; puis explicitement développé dans le dernier mouvement).
De moins de 50 mn, la partition regorge d’élans et de pulsions éclatées, (les cellules diverses d’essence dodécaphoniques ne sont pas sans souligner cette apparente distorsion du discours, produisant tension voire angoisse), mais ils sont cependant réunis par une même pensée à la fois torturée et apaisée. L’allegretto ou 3è mouvement, est le plus acide, mordant, cynique (ironie de la clarinette dont le thème principal est dodécaphonique). L’ultime épisode conclut le cycle et reprend la forme développée par Tchaikovski dans sa dernière 6è Symphonie : un ample Adagio, tendu, inquiétant, aux lueurs crépusculaires de fin du monde ; y perce la pointe vive et sèche des fortissimos. A la fin la caisse claire renoue avec l’évocation enfantine du début, mais dans un sentiment d’impuissance mystérieuse irrésolue : Chostakovitch pose la question du sens profond de la vie humaine, son énigme absolue. Comment l’homme éreinté, épuisé peut-il vaincre le sentiment d’abandon, de solitude, d’impuissance ? La vision existentielle du compositeur se mesure à l’aulne des souffrances et des épreuves éprouvées, finalement jamais vraiment dépassées.
Le Concerto pour violoncelle n°2 est moins joué que le premier (dédicacé à Rostropvitch). Il est pourtant plus captivant par son ambivalence et sa richesse des climats, par sa profondeur et son absence de tout éclat gratuit. L’opus 126 est créé à Moscou en 1966, ultime oeuvre concertante du compositeur (âgé de 60 ans alors) le Concerto n°2 suit un plan méticuleusement pensé, comme c’est l’habitude chez Chosta. D’abord un ample et très méditatif Largo affirme la gravité, noble et profonde voire énigmatique du violoncelle, qui dans la partie médiane, se tend, devient sec et presque brutal (pizzicatos arides et percussifs de l’instrument soliste) ; puis dans les deux derniers mouvements, – enchaînés (deux Allegrettos), Chostakovitch varie les effets en contrastes bien distincts, d’abord danse aux réminiscences tziganes, puis toccata, de plus en plus évidente, associée au tambour et sonneries de cor. Puis un thème classique, serein alterne avec des éclats parfois très violents. Vif, varié, le 2è Concerto, plus profond et mystérieux que le 1er, laisse pour conclusion, le violoncelle étirer une longue note grave, véritable entrée dans le secret… et aussi l’éternelle question, restée suspendue.
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Grand Théâtre Opéra de TOURS
Concert « L’âme Russe »
Samedi 12 mai 2018, 20h
Dimanche 13 mai 2018,17h
Dimitri CHOSTAKOVITCH
Concerto pour violoncelle et orchestre n°2
en sol mineur – Op. 126
Pavel Gomziakov, violoncelle
Symphonie n°15 en la majeur – Op. 141
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours
Oleg Caetani, direction
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Informations sur le site de l’Opéra de Tours
http://www.operadetours.fr/l-ame-russe-12-13-mai
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Les amoureux de musique et d’opéra russes, ne manqueront pas Mozart et Salieri / Iolanta (Tchaikovski) à l’Opéra de Tours, les 25, 27, 29 mai 2018 ; concert de musique de chambre : « voyage en Russie », le 27 mai 2018.
CONFERENCES « l’Âme russe »,
accès gratuit dans la limite des places disponibles
Samedi 12 mai – 19h00
Dimanche 13 mai – 16h00
Grand Théâtre – Salle Jean Vilar
Entrée gratuite
Grand Théâtre de Tours
34 rue de la Scellerie
37000 Tours
02.47.60.20.00
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Ouverture du mardi au samedi
10h30 à 13h00 / 14h00 à 17h45
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