Valery Gergiev dirige
Gustav Mahler,
Symphonie n°6 « Tragique »
London Symphony Orchestra
Bruxelles, Bozar.
Le 24 novembre 2007 à 20h
Salle Henry Le Boeuf
Extrait de son précédent concert au Bozar: Le 3 octobre 2005 – L’Orchestre du Mariinsky.
Dans le cadre de son cycle réservé aux « orchestres internationaux », le Bozar de Bruxelles invite le London Symphony Orchestra et son actuel directeur musical principal (depuis 2005), Valery Gergiev. Né en 1953 à Moscou, Valery Gergiev s’est imposé dans la fosse comme chef lyrique hors normes, comme dans les salles de concerts, tel un symphoniste de premier plan. Il a commencé sa carrière de chef comme assistant de Yuri Temirkanov en 1978. Sanguin, nerveux mais d’une incroyable élocution, le chef russe a aussi démontré son énergie engageante en reprenant la direction du Théâtre Mariinsky, y reconstruisant la programmation des ballets et des opéras, tout en assurant la ligne artistique des désormais célèbres Nuits blanches de Saint-Pétersbourg.
La Symphonie n°6 de Gustav Mahler
Composée entre 1903 et 1904, la Sixième symphonie fait suite à la Cinquième. Elle abandonne la voix et le recours aux plans distinctement explicités. C’est une nouvelle direction musicale que suit désormais le compositeur plus enclin désormais au jaillissement « libre » du mode autobiographique. La Sixième approfondit les horizons de la Cinquième et constitue le volet central du tryptique des Symphonies plus personnelles (5, 6 et 7) où le héros se livre à une introspection cinglante, sans complaisance, d’un cynisme critique parfois désespéré. Cependant le plan reste « classique », en quatre mouvements, avec un ultime volet particulièrement développé (plus de 30 minutes): (1)Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig. (2) Scherzo. Wuchtig. (3) Andante moderato. (4) Finale. Allegro moderato — Allegro energico. La partition est créée à Essen, le 27 mai 1906, sous la direction de l’auteur. A noter que la partition utilise pour la première fois dans un orchestre, le célesta ainsi que le xylophone symbolisant « le rire du diable » (plus jamais sollicité ensuite).
Mahler la décrit comme tragique: il s’y confronte à la mort. D’ailleurs, les trois coups de marteau qui sont assénés dans le Finale, sont sur le plan de la vie privée, les signes annonciateurs de la triple catastrophe qui marquera la carrière du compositeur… l’année suivante… en 1907 (démission de son poste de directeur de l’Opéra de Vienne, santé déclinante et diagnostic d’une maladie de coeur incurable, et décès de sa fille Maria, âgée de 4 ans). Comme à son habitude, Mahler compose l’été dans la nature (juillet 1904, Maiernigg en Carinthie). Le spectacle des Dolomites l’inspirent particulièrement. Selon son épouse Alma, il s’agit de l’oeuvre la plus personnelle de son mari. Mahler lit Le portrait de Dorian Gray de Wilde, mais aussi Goethe. Il joue Bruckner et Brahms sur le piano de la maison de vacances. Le rythme est soutenu et le surgissement de la veine tragique paraît difficile à expliquer. Visionnaire, Mahler porte en lui, l’esprit du drame et de la catastrophe. Son oeuvre la plus intime dévoile ce caractère.
Dans le Finale, le compositeur se livre un combat contre lui-même (ses terreurs profondes), contre le monde. Il tente d’exprimer la danse macabre des éléments, un chaos recommencé et insodable, dont tout en en captant chaque résonance, il essaie d’absorber et de maîtriser le désordre cosmique. « …Le héros qui reçoit trois coups du destin, dont le troisième, le fait tomber de l’arbre… Aucune oeuvre n’a coulé aussi directement de son coeur que celle-là« , affirme Alma Mahler.
Les déflagrations reportées dans la trame de l’oeuvre soulignent la fin inéluctable, le vide et la mort souveraine. C’est le constat amer et sans issue, d’une impuissance et d’une irrépressible agonie. Lire notre dossier sur la Symphonie n°6 de Gustav Mahler
Crédit photographique
Valery Gergiev (DR)
Vidéo: Enregistrée le 3 octobre 2005 au Palais des Beaux-Arts. Droits réservés (http://www.bozar.be)