France Musique. Dimanche 19 juin 2016, 14h. Stabat Mater de Vivaldi. Et vous quelle version enregistrée préférez-vous ? Bilan sur l’un des chefs d’oeuvres sacrés de Vivaldi : genèse, enjeux, accomplissements… Vivaldi a longtemps été considéré pour ses œuvres liturgiques et instrumentales. Avant d’être le compositeur d’opéras que nous redécouvrons actuellement (apport et bénéfice de la révolution baroqueuse : qui ignore encore l’impact sonore et esthétique de son Orlando Furioso ?), le Stabat Mater a beaucoup compté pour la notoriété du Pretre Rosso (Prêtre roux), enfant génial en sa cité natale : Venise.
Homme de rupture et d’expérimentation, – contrairement au dogmatique et partial Stravinsky, qui décrétait que le Pretre Rosso avait composé 500 fois le même Concerto (!)-, Vivaldi réinvente la forme même du Stabat mater… comme s’il était profondément saisi par le caractère de déploration et de recueillement funèbre qui règne dans le cycle des 10 strophes empruntées à la prose liturgique du Franciscain Jacopone da Todi (1230-1306), qui témoigne ainsi de la douleur de la Vierge, deuil maternel, face au supplice et à la mort de de son fils Jésus. Ici une seule voix exprime en une dramaturgie du désespoir et de la dignité, la force du sujet : une contralto ; pas de mouvements vifs, que des épisodes méditatifs et graves voire lugubres qui cassent définitivement l’alternance lent et vif pourtant de rigueur alors. Largo, lento, adagio, andante… où les passages harmoniques dessinent un pont et une arche de la déploration. Les couplets ariosos permettent aux solistes comme aux instrumentistes de creuser l’ample intensité tragique des textes dont les instruments font une dramaturgie particulièrement introspective.
Plutôt que la révolte (légitime), Vivaldi architecture un cycle qui tend toujours à la méditation, au repli critique, à la pleine conscience de ce qui a été commis. Le raffinement de l’écriture vocale n’oublie pas dans la dernier Amen, la pure virtuosité qui est aussi en plus de la profondeur du recueillement, la clé de la partition en fa mineur de près de 20 mn, selon les interprétations. Et vous quelle version préférez vous ? Celle pour voix d’homme (alto angélique / tragique tel Andreas Scholl) ou avec voix de femme ?… Et dans quelle réalisation instrumentale ?
France Musique, dimanche 19 juin 2016, 14h. Stabat Mater de Vivaldi. Tribune des critiques de disques.