Les Solistes de Lyon
Bernard Tétu
Voyage au fil du Danube
1ère « Folle Tournée 2008«
Du 3 au 8 avril 2008
Avant leur académie autour de la musique française, dans le cadre de l’Académie Les Voix célestes à Royaumont (95), du 27 avril au 4 mai 2008, les Solistes de Lyon font entendre leur voix (avec orchestre), sur le thème danubien de la première édition de La Folle Tournée, qui voyage en Rhône-Alpes, du 3 au 8 avril 2008: « Voyage au fil du Danube ». Fidèle à leur travail d’approfondissement tant dramatique, musical que linguistique sur les textes, les Solistes lyonnais offrent deux escales, en terres Brahmsiennes et Schubertiennes, avec Quatre chants opus 17 de Brahms, puis Le Chant des esprits sur les eaux de Franz Schubert…
Johannes Brahms: Quatre Chants op. 17
Franz Schubert: Chant des esprits sur les eaux
Gesang der Geister über den Wassern, d’après Goethe
Solistes de Lyon-Bernard Tétu
Musiciens de l’Orchestre national de Lyon
Bernard Tétu, direction
Hambourg, 1859
En 1859, Brahms fondait à Hambourg un chœur de vingt-huit femmes qui allait bientôt devenir un élément actif de la vie musicale hambourgeoise sous le nom de Hamburgisher Frauenchor. C’est pour lui qu’il compose quatre pièces avec accompagnement de deux cors et harpe sur des textes de Ruperti, Shakespeare, Eichendorff et Ossian. Le premier, “Es tönt ein voller Harfenklang” (Un son de harpe résonne), est un chant d’amour qui met à profit les ressources poétiques d’un seul cor. Le deuxième, “Komm herbei, komm herbei, Tod” (Approche, approche, ô mort), est extrait de la Nuit des rois. Le climat devient plus tourmenté avec le troisième, “Der Gärtner” (le Jardinier) qui aime sans espoir et creuse sa propre tombe. Le quatrième, “Gesang aus Fingal” (Chant de Fingal), peut-être le plus beau, renoue avec le ton des vieilles ballades nordiques.
1. Es tönt ein voller Harfenklang (Ruperti) On entend résonner la harpe
2. Lied von Shakespeare Chant de Shakespeare
3. Der Gärtner (Eichendorff) Le jardinier
4. Gesang aus Fingal (Ossian) Chant de Fingal
Bouillonnement et pluie d’écume
C’est en 1779, lors d’un voyage dans l’Oberland bernois, qu’inspiré par la chute du Staubbach, qui tombe d’un seul jet de quelques trois cent mètres dans le fond d’une gorge où elle se perd en bouillonnements et en pluie d’écume que Gœthe avait écrit Gesang der Geister über den Wassern, où il se livre à une double comparaison entre eau et âme humaine d’une part, vent et destinée humaine d’autre part Schubert conçut de ce poème symbolique cinq versions musicales : la première en 1817, la dernière en février 1821. Dans les sept premiers vers sont mis en parallèle l’âme humaine et l’eau : toutes deux viennent du ciel et y retombe avant de devoir, toujours changeantes, retomber sur terre. Schubert plante le décor par des harmonies audacieuses, un style parfois franchement syllabique, un tempo très lent et une atmosphère chargée de mystère et de spiritualité. Les vers 8 à 17 sont une description poétique de la chute de Staubbach, avec le vent réduisant l’eau en poussière avant qu’elle n’atteigne la terre. La musique de Schubert est plus animée, avec de constants contrastes d’intensité. Les vers 18 à 22 évoquent l’eau bouillonnante et l’âme humaine agitée de passions. Schubert parvient à son sommet dramatique, avec voix, se rejoignant à l’unisson ou se doublant à la tierce. Les vers 23 à 27 évoquent l’eau apaisée, où se mire les étoiles. Le vent (vers 28 à31) y cause de doux ondoiements, parfois des vagues puissantes. Les vers 32 à 35 dressent enfin explicitement la double comparaison à la base de toute l’œuvre. Musicalement, cette dernière partie est une synthèse remarquable, calme en apparence mais fort agitée de l’intérieur, des précédentes. Voici le texte intégral et sa traduction en français.
L’âme de l’homme Des Menschen Seele
Ressemble à l’eau : Glelcht dem Wasser.
Venant du ciel, Vom Himmel kommt es,
Devant descendre zum Himmel steigt es,
Sur terre encore, und wieder nieder
Changement éternel. zur Erde muss es,
ewig wechselnd.
Le pur filet jaillit
De la paroi Strömt von der hohen,
Haute et abrupte, steilen Felswand der reine Strahl,
Puis asperge avec grâce dann staübt r lieblich
D’eau vaporeuse in Wolkenwellen
Le rocher lisse, zum glatten fels ;
Légèrement s’y pose und leicht empfangen
Et ondule comme un voile, wallt er verschleiernd,
Dans un murmure leisrauschend
Gagnant le gouffre. zur Tiefe nieder.
Si des rochers Ragen klippen
S’opposent à sa chute dem Sturz entgegen,
De dépit il écume schäumt or unmutig,
Et, par degrés, stufenweise
Va vers l’abîme. zum Abgrund.
En son lit plat Im flachen Bette
Il glisse vers les prés du val, schleicht er das Wiesental hin,
Et c’est dans l’onde unie d’un lac und in dem glatten See
Que tous les astres weiden ihr Antlitz
Baignent leur face. alle Gestirme.
le vent est pour la vague Wind ist der Welle
Un amant caressant ; lieblicher Buhler,
le vent jusqu’au fond mêle Wind mischt vom Grund
Les vagues écumantes. aus schäumende Wogen
Âme del’homme, Seele des Menschen,
Que tu ressemble à l’eau ! wie gleichst du dem Wasser,
Destin de l’homme, Schilksal des Menschen,
Que tu ressemble au vent ! wie gleichst du dem Wind !
Crédits photographiques: © Les Solistes de Lyon / J.F. Leclercq
Illustration: Franz Schubert (DR)