Wolfgang Amadeus Mozart
La Flûte enchantée, 1791
Bruxelles, La Monnaie
Du 8 au 19 juin 2007
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, opéra en 2 actes sur un livret de Emmanuel Schikaneder. Mise en scène : William Kentridge. Décors : William Kentridge et Sabine Theunissen. Costumes : Greta Goiris. Lumières : Jennifer Tipton. Montage vidéo : Catherine Meyburgh. Consulter la distribution de la Flûte enchantée de Mozart 2007
Kentridge, l’enchanteur?
Créée le 25 avril 2005 puis reprogrammée en septembre suivant, cette production de La flûte réinvestit la scène bruxelloise, dans la mise en scène du sud-africain William Kentridge et sous la baguette de Piers Maxim. Les succès sont rares à l’opéra: pour sa fin de saison 2006/2007, La Monnaie choisit de finir en beauté, grâce à un spectacle qui est resté dans les mémoires.
Côté mise en scène, William Kentridge, avait imprimé sa marque de fabrique en 2004 avec Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi (repris du 12 au 15 mai 2007). Sa réputation internationale est due à ses courts-métrages animés ainsi qu’à ses dessins au fusain, dont son travail cinématographique s’inspire. Kentridge choisit de reproduire un théâtre baroque et sa machinerie ; ses plans fixes en enfilade donnent l’illusion de la profondeur. Au fond de la scène, et sur les plans intermédiaires, les dessins du metteur en scène et cinéaste illustrent l’Egypte ancienne. Le dispositif est une métaphore de l’appareil photo : les plans successifs se présentent comme le soufflet des vieux appareils du XIX ème siècle, et l’œil maçonnique est comme l’objectif de la boîte photographique. Durant tout l’opéra, des films d’animation sur l’Egypte sont projetés, y défilent moult symboles maçonniques : le soleil puissant de Sarastro, la nuit incandescente de La Reine de la nuit. La scène est comme une grande chambre noire, avec ses lumières et ses ombres. Une telle vision n’a pas manqué au moment de la création de la production de susciter comme toujours, un vaste débat chez les critiques: les uns, conservateurs, criant au détournement scandaleux du texte mozartien; les autres, plus avertis de la création contemporaine, soulignaient l’inventivité onirique des décors et de la scénographie, un livre d’images enchantées, qui renouvelaient la perception de La Flûte sans porter atteinte à la force de la musique… Jaillissement novateur d’idées et d’associations, ou usurpation provocante dénaturant le propos musical et philosophique de l’opéra? Chacun jugera. Mais force est de reconnaître que cette Flûte restera marquante dans l’histoire de la scène bruxelloise.
Toucher le coeur, éduquer l’âme
Die Zauberflôte (La Flûte enchantée) est créée le 30 septembre 1791, deux mois avant la mort de Mozart. Sur la proposition de l’impression et acteur, Schikaneder, Mozart , dès mars 1791, commence la composition d’un nouvel opéra en allemand, comme il l’avait fait avec L’enlèvement au sérail, en 1782, soit presque dix années auparavant.
Les deux auteurs, franc-maçons, reprennent la source littéraire (Lulu de Wieland, 1786) afin d’y intégrer les symboles et les rituels maçonniques. L’invention du compositeur laisse un chef-d’oeuvre de vérité et de poésie: sous les formes théâtrales ainsi façonnées s’écoulent la vitalité et le naturel des sentiments les plus vertueux: fidélité, discernement, honneur, générosité, amour. Chacun y trouve le miel de ses espérances, selon son coeur et sa culture: symboles d’initiés, chant libre et direct de la musique… La Flûte est à la fois un conte philosophique, un opéra maçonnique et une féerie populaire qui s’adresse à l’entendement de tous, quels que soient les âges. En cela, Mozart atteint son idéal: réaliser l’opéra germanique dont il a toujours rêvé, populaire et intellectuel, exigeant autant qu’accessible.La direction de l’oeuvre s’accomplit des ténèbres vers la lumière, de la superstition et des fausses croyances liées à la tyrannie des apparences vers l’entendement des idées morales fondées sur la fraternité et l’amour humaniste. Contre le chant trompeur de la Reine de la Nuit, s’affirme peu à peu la noblesse et la sagesse de Sarastro. Chacun espère trouver un jour sur son chemin, le guide qui le mènera vers son propre accomplissement: c’est ce qu’expérimentent chacun à sa mesure, le prince Tamino, Pamina et l’oiseleur Papageno… Mais avant de réussir sa vie, épreuves et éngmes, force et endurance attendent les candidats au dépassement de soi.
Goethe qui estimait l’oeuvre mozartienne, avait déjà loué son Lucio Silla et aussi son Enlèvement au Sérail. Le poète avait désigné Mozart comme le seul compositeur digne de mettre en musique son Faust. Il ne cessa de défendre La flûte enchantée, y reconnaissant justement l’opéra de la modernité, celui qui touche le coeur et éduque l’âme. Une oeuvre maîtresse qui ne cesse depuis sa création triomphale à Vienne de susciter une égale fascination auprès des publics.
Illustration
La Reine de la Nuit (Sumi Jo) en avril 2005 © La Monnaie de Bruxelles, Johan Jacobs
Décor de la Flûte Enchantée, la Reine de la nuit, au XIX ème siècle (DR)
Présentation rédigée par Lucas Irom sous la direction d’Anthony Goret