Jeune et romantique
Arte
Lundi 18 octobre 2010 à 22h30
(Réalisation: Barbara Willis Sweete, 2008, 52mn)
A l’heure où la Chine est le plus grand fabricant de futurs potentiels jeunes pianistes (20 millions de récitalistes à venir…) et produit à la chaine ses pianos (Manufacture Pearl River à GuangZhou), Yundi Li incarne comme Lang Lang ou leur consoeur la nouvellement arrivée Yuja wang, une manière de modèle: la preuve que l’on peut réussir grâce au piano. De la culture de masse à l’étoile unique, singulière inimitable… tel n’est pas le seul paradoxe du pays à la culture musicale millénaire.
Yundi a remporté à 18 ans, en 2000, le légendaire concours Chopin de Varsovie, entrant par la grand porte des interprètes les plus rares: poètes dans leurs doigts… remarqués par les plus grands dont présent dans ce docu tout en finesse et suggestions… le maestro Seiji Ozawa soi-même: 3 jours de répétitions avec le Berliner Philharmoniker et le chef nippo-américain pour le Concerto n°2 de Prokofiev. Le jeune pianiste donne tout sous la houlette du maestro légendaire: tout en sueur, en frémissement, en ingénuité curieuse et attentionnée… « Il n’est pas formaté, il a très bien évolué » affirme Ozawa: un comble quand même pour ce chinois qui est né dans un pays où tout tant à la reproduction de masse… et à la dilution de la personnalité dans le moule collectif.
A 7 ans, Yundi est conquis par le piano et ses… 88 touches. Son son puissant et doux permet de tout produire… A Berlin ou à Guangzhou en Chine, Yundi est vénéré tel un dieu vivant et ses disques mis en avant sous l’étiquette jaune de Hambourg. Mozart percutant et fin, d’une dynamique perlée qui en dit long sur le potentiel à venir du pianiste qui depuis quelques mois (en février 2010) a changé de maison de disque: exit Deutsche Grammophon, bonjour Emi classics. Guerre des labels et des majors… profitable pour ce jeune virtuose encore en devenir… Entre temps, le pianiste a changé de nom (marketing oblige) et s’appelle désormais chez Emi: « Yundi », tout simplement. Volonté de rupture et redémarrage propices à de nouveaux accomplissements?
Comme tous les foyers chinois, le succès du fils fait la fierté de ses parents qui collectionnent chacun de ses trophées. Le film met en avant la relation artistique (mentor/disciple) qui unit dans le travail Yundi et Ozawa. Recherche des dynamiques les plus ténues, et ravissement partagé dans l’accomplissement d’une ou de deux notes enfin trouvées… La sûreté musicale du jeune pianiste est féline et féminine, d’une hypersensibilité qui le rend certainement plus passionnant que le virtuose souvent clinquant Lang Lang.
Entre deux extraits de concerts (où l’artiste adulé par ses parents – on comprend alors le culte du fils unique-, joue Ravel, Mozart..), Yundi se prête à une séance de prise de mensurations pour sa future statue en cire… On se laisse prendre par ce portrait certes un rien complaisant sur le jeune et prometteur pianiste chinois. Comment évoluera ce lauréat de Varsovie dont du reste le cd Prokofiev correspondant aux répétitions du film demeure une éclatante réussite, en maturité et clarté digitale malgré sa redoutable difficulté d’exécution… à suivre.
Illustration: Yundi Li (DR)